Marc rentre du travail après une longue journée, il se précipite au salon pour regarder les nouvelles sur internet, faire quelques jeux : il faut bien se détendre quand on a bien travaillé !
– Papa, papa… j’ai besoin d’aide pour ma leçon et mon exercice… Je n’y arrive pas bien.
– Mon fils, débrouille-toi, tu es plus doué que moi ! C’est comme cela qu’on apprend…
– Et après, est-ce qu’on pourra me raconter une histoire ?
– Pas ce soir, demain peut-être…
L’air sérieux ne quitte pas Marc de la soirée ni du week-end d’ailleurs. C’est qu’à 40 ans, il a des responsabilités au bureau et à la maison. Quand le travail est fini, il faut s’occuper des comptes familiaux, bricoler… Et puis, comment être joyeux alors que le pays va si mal ? Heureusement que son épouse s’occupe de tout à la maison : les écoles, les activités des enfants, l’administration, les prochaines vacances !
Depuis quand Marc n’a-t-il pas souri ? Depuis quand n’a-t-il pas joué et ri en famille ou avec les enfants ? Plus personne ne s’en souvient…
Imaginez-vous saint Joseph avoir eu ce comportement ?
Pourtant, son travail était fatigant, son Fils et son épouse plus doués que lui, et les soucis ne manquaient pas pour qu’il soit à la hauteur de sa mission, une mission surhumaine et si importante qui aurait pu beaucoup le perturber !
Tirons donc quelques leçons pour nous !
Bon père parce que bon époux
Joseph n’était pas un vieillard à barbe blanche lorsqu’il a épousé Marie. Il avait certainement l’âge habituel pour être assorti à sa jeune épouse, avec les aspirations de la jeunesse à une belle vie sous le regard de Dieu, et à l’héroïsme de la sainteté, sainteté personnelle et sainteté dans son état de vie. Nous pensons souvent à son exemplarité dans le travail, contemplons aussi sa sainteté d’époux. Imaginons-nous des dissensions ou des froideurs avec son épouse ? Au contraire, nous pouvons deviner la complicité des cœurs et des âmes de Joseph et Marie. Nous voyons l’union de leurs volontés et de leurs cœurs pour faire le Bien et suivre les volontés de Dieu, l’acceptation des incompréhensions réciproques (cette conception mystérieuse, ce message d’un ange ordonnant une fuite immédiate), la fidélité, l’admiration mutuelle, le dévouement, le respect de l’autorité qui s’exerce avec douceur mais fermeté (il faut partir cette nuit !), les bons moments qu’ils ont passés ensemble au calme et avec Jésus… Qui sur terre a davantage aimé son épouse que saint Joseph ?
Époux admirables pour que la famille soit une sainte famille ! Voilà le point de départ.
Vrai père, celui qui prépare l’avenir
Évidemment, si saint Joseph n’est pas père selon la génétique, il possède tous les autres attributs et qualités d’un vrai père. Ne le dévalorisons pas en le limitant au rôle de « nourricier ». Notre langage est bien pauvre devant le mystère. D’ailleurs, le rôle nourricier est largement partagé avec la mère : c’est elle qui nourrit les enfants et fait tant pour eux jusqu’à l’âge adulte !
Le rôle du père n’est pas d’abord d’être nourricier (c’est-à-dire de s’occuper du lendemain, même s’il y contribue), mais d’orienter et préparer les enfants à accomplir leur destinée, leur mission dans le monde pour l’améliorer. Le père rend les enfants capables de fonder une famille, ou de se donner dans la vocation, de travailler, de sortir du confort, d’apprendre le combat (de la Foi notamment), de jouer un rôle social.
C’est ce que fait saint Joseph avec Jésus à travers leur vie de famille, l’apprentissage d’un métier, du travail bien fait, la connaissance de la nature, les pèlerinages et la transmission de la Foi et de la science religieuse, l’insertion dans la société (tous connaissent le fils du charpentier).
Comme saint Joseph, le père oriente et prépare son enfant. Il développe la force et le courage pour franchir les obstacles mais il accompagne aussi. Les psychologues prennent l’image d’une rivière pour illustrer ce point : le fils devient adulte en traversant la rivière dangereuse de la vie, au-delà du foyer familial protecteur et confortable, en laissant la mère sur la rive. Il est >>> >>> guidé et accompagné par son père dans les étapes difficiles. Devenu adulte et père à son tour, le fils retraverse pour aller chercher son enfant et l’aider à son tour à traverser la rivière.
Le père ne peut pas se contenter de dire « débrouille-toi tout seul, mon fils, moi j’y suis bien arrivé ! ». Dire cela serait évidemment écrasant et déstabilisant pour la personnalité de l’enfant.
Père contemplatif inséré dans l’action
N’opposons pas contemplation et action : il faut les deux pour être un bon père ! Homme de silence tellement ébloui par la lumière de Dieu qu’il accepte facilement le mystère de l’Incarnation. Pourtant, il lui arrive de ne pas voir ce qui nous paraît évident : lorsque Marie et Joseph retrouvent Jésus au temple et entendent « je dois être aux affaires de mon Père, ils ne comprirent pas ce qu’Il leur disait ». C’est parce que Joseph est intérieur, que Dieu peut lui parler par des songes, des inspirations ou la voix des anges. Pour nous aussi, nous savons bien que la volonté de Dieu se discerne habituellement dans le silence, la prière, le secours des sacrements, mais que nous ne comprenons pas tout immédiatement. Accepter les imprévus, découvrir les bienfaits de circonstances providentielles, heureuses ou difficiles, et se mettre en mouvement pour les saisir ne se fait pas sans esprit intérieur.
A l’approche du Carême de cette année Sainte 2025
Retenons que saint Joseph a été un bon père parce qu’il était bon époux, parce qu’il a orienté, enraciné et intégré son Fils dans la société, parce qu’il était à l’écoute de Dieu.
Le Carême est une bonne occasion d’imiter Joseph, avec des résolutions concrètes, par exemple :
– Je passerai davantage de temps avec mon épouse qu’avec Internet et mon téléphone…
– Même dans les soucis, je décide de sourire et parfois de jouer avec les enfants…
– Chaque jour, je prends le temps du chapelet. Je vais à la messe en semaine…
A chacun de voir et de faire le bilan à la fin de ce mois de mars puis à Pâques, le 20 avril ! Saint Joseph ne vous laissera pas tomber !
Hervé Lepère1
1 Inspiré par une conférence spirituelle