Il y a une certaine difficulté à parler de saint Joseph. Simple humain désigné par la Sainte Trinité pour être le père putatif de Jésus-Christ, Dieu fait homme ; il se fait remarquer par le silence qui l’entoure dans les récits du Nouveau Testament et de la Tradition. On pourrait presque le considérer comme un personnage de second plan, si Dieu n’avait voulu l’exalter par les diverses apparitions et manifestations qu’il eut, et a encore dans notre monde.
Les apparitions de saint Joseph
La différence entre les apparitions de saint Joseph et celles de la Sainte Vierge est frappante. Ces dernières se comptent par dizaines et sont pour la plupart bien documentées, tandis que les manifestations de saint Joseph sont, en comparaison, peu nombreuses et moins connues. Dans la plupart d’entre elles, saint Joseph est avec Marie et Jésus, ou seulement l’un des deux. Celles où il se manifeste sans eux sont plus rares, et à ce jour seule l’une d’elles est reconnue officiellement par l’Eglise.
La première des apparitions communes se produit au IIIème siècle, lors de la messe de consécration du monastère de Ferrière-en-Gâtinais par saint Savinien, la nuit de Noël. Au milieu d’une grande lueur, le célébrant voit la Sainte Famille dans la crèche, environnée des Anges chantant le Gloria. Surnommé par la suite « l’Abbaye de Bethléem », ce lieu verra deux rois francs1 s’y faire couronner, et divers souverains y aller en pèlerinage.
En 1879, la Sainte Famille apparaît à Knock, en Irlande, à une vingtaine de personnes. Nulle parole n’est prononcée, mais plusieurs guérisons miraculeuses sont opérées.
La manifestation de la Sainte Famille la plus connue est probablement celle de Fatima, qui eut lieu lors de la dernière apparition, le 13 octobre 1917, lors du « Miracle du Soleil », qui eut lieu devant près de soixante-dix mille témoins.
Moins nombreuses sont les apparitions où saint Joseph est seul. La plus connue est celle de Cotignac, dans le Var, en 1660. Ce village avait déjà connu, en 1519, une apparition de la Sainte Vierge portant l’Enfant-Jésus et entourée de saint Michel et de saint Bernard. C’était devenu un lieu de pèlerinage marial. Le sanctuaire, appelé « Notre-Dame de Grâces », fait mémoire de la parole que Marie y prononça : « Allez dire au clergé et aux Consuls de Cotignac de me bâtir ici même une église, sous le vocable de Notre-Dame de Grâces et qu’on y vienne en procession pour recevoir les dons que je veux y répandre. » Cent quarante ans plus tard, saint Joseph apparaît à un jeune berger assoiffé, du nom de Gaspard Ricard, et lui dit >>> >>> en provençal : « Je suis Joseph. Soulève ce rocher et tu boiras.» La lourde pierre, que huit hommes parviendront à peine à bouger, couvrait une source où Gaspard put s’abreuver. Sur ce lieu, à moins de quatre kilomètres de celui où apparut Marie, sont bâtis un sanctuaire et un monastère, faisant de Cotignac l’endroit majeur de vénération de la Sainte Famille.
Dix ans plus tard, saint Joseph apparaît dans la ville de Kalisz, en Pologne, à un vieil homme malade du nom de Stobienia, qui ne cessait de l’invoquer pour avoir une bonne mort. Saint Joseph lui dit ces mots : « Tu guériras quand tu feras peindre un tableau représentant la Sainte Famille avec l’inscription portant ces mots : « Allez à Joseph.» Tu l’offriras à l’église collégiale de Kalisz.» Ce tableau y est encore exposé, et l’apparition de Kalisz fait en Pologne l’objet d’une grande vénération, qui eut un renouveau à la fin de la Seconde Guerre Mondiale : en raison d’une menace d’exécution de tous les prisonniers de Dachau, une neuvaine à saint Joseph de Kalisz fut commencée, et se termina le 22 avril. Une semaine plus tard, le 29 avril 1945 à 18h00, une section de reconnaissance de l’armée américaine libéra le camp, trois heures avant le massacre des prisonniers planifié par les autorités du camp. Les prisonniers considérèrent cette libération obtenue grâce à saint Joseph comme miraculeuse.
Les reliques de saint Joseph
Les reliques de saint Joseph sont assez peu connues, et pourtant la Providence nous en a laissé plusieurs, dont la quasi-totalité se trouve en Europe.
L’Italie a la chance de détenir trois des reliques de saint Joseph. A Pérouse, dans la cathédrale San Lorenzo, est conservé l’anneau de mariage de saint Joseph. Ce magnifique symbole de l’union de Joseph et de Marie est exposé trois fois l’an, et est gardé précieusement par la Compagnia de Santo Anello de San Guiseppe. Acheté en 985 à un marchand de Jérusalem par un orfèvre de la ville de Chiusi, il est dérobé en 1473 par un moine allemand voulant l’exposer dans son village. Passant par Pérouse, un brouillard miraculeux l’empêche d’aller plus loin, et ne cesse que lorsqu’il se sépare de l’anneau, récupéré par le clergé de la ville.
Plus au Sud, à Naples, se trouve le bâton fleuri de saint Joseph. La tradition nous rapporte que le fleurissement de son bâton permit d’identifier Joseph comme l’époux choisi par Dieu pour Marie, parmi une foule de prétendants. Conservé d’abord au XIIIème siècle dans un couvent du Sussex, en Angleterre, il est dérobé, puis offert en 1795 à la congrégation San Guiseppe dei Nudi (Saint-Joseph-des-Nus) qui en a la garde sur la colline de San Potito.
On peut ensuite vénérer à Rome le manteau de saint Joseph, conservé dans la basilique de Sant’Anastasia al Palatino, probablement la plus ancienne église de la ville. Depuis 1600 ans, les fidèles peuvent y admirer ce vêtement du père de Jésus, exposé à côté d’une partie du voile de la Sainte Vierge. Ces reliques ont été apportées par saint Jérôme de Jérusalem à la fin du IVème siècle, et font l’objet d’une protection particulière, ne permettant leur exposition que lors de célébrations exceptionnelles, la dernière datant du 6 janvier 2020.
Deux autres reliques de saint Joseph sont conservées hors d’Italie. La ceinture est exposée à Joinville, en Haute-Marne. Elle a été rapportée de Terre Sainte par le Sire Jean de Joinville, proche compagnon de saint Louis et auteur de la célèbre chronique qui lui est dédiée. Enfin, la dernière grande relique de saint Joseph est vénérée dans la cathédrale d’Aix-la-Chapelle. Il s’agit des chausses du patriarche, ou plutôt des langes de Jésus, puisque c’est dans ce linge que l’Enfant Jésus fut emmailloté à la Nativité. Cette relique fut offerte à l’empereur Charlemagne vers l’an 800, et est constamment exposée à la vénération des fidèles. >>>
>>> Pour conclure sur ces reliques du saint patriarche, il peut être intéressant de mentionner le célèbre « escalier de saint Joseph » présent dans la chapelle de Lorette, à Santa Fé (Nouveau Mexique). Bâtie en 1873 par les Sœurs de Lorette, cette église souffrait d’un défaut puisque l’on avait oublié lors de la construction de faire un escalier, permettant l’accès à la tribune. Cet oubli constaté, les contraintes techniques étaient telles que nul artisan ne voulut s’engager à réaliser l’ouvrage. Les sœurs commencèrent alors une neuvaine à saint Joseph, pour qu’il les aide à trouver une solution. Le dernier jour de la neuvaine, un charpentier inconnu se présenta, accompagné d’un âne portant pour seuls outils un marteau, une scie et une équerre. L’étranger proposa de réaliser l’escalier tant désiré, à la condition de le laisser seul dans la chapelle tout le temps des travaux. Il y resta entre six et huit mois, et partit en toute discrétion une fois l’ouvrage terminé. Celui-ci tient tout du miracle : l’escalier en colimaçon est composé de trente-trois marches, sans clous ni colle. Il effectue deux tours complets, sans pilier central, faisant reposer l’intégralité de son poids sur la première marche. L’origine du bois est encore inconnue à nos jours, et ne provient en tout cas pas de la région. De toute évidence, il aurait dû s’effondrer à la première utilisation, et pourtant il est toujours debout, depuis cent cinquante ans.
Toutes ces apparitions et reliques nous rappellent deux choses importantes sur saint Joseph. Il s’agit tout d’abord de sa très grande humilité : on ne retient presque aucune parole de ses manifestations, et celles-ci se font sans les grands miracles qui accompagnent presque toujours les venues de la Sainte Vierge. On lui connaît peu de sanctuaires, et pourtant sa vénération est grande dans l’Eglise universelle, dont il est le Patron. Ensuite, ses apparitions et reliques sont presque toujours liées, de près ou de loin, à Marie et à Jésus, comme pour mettre en lumière le lien indéfectible qui les unit. Son anneau, ses chausses, son apparition à Cotignac, son escalier miraculeux nous rappellent l’amour de Jésus et de Marie, le dévouement et la fidélité qu’il leur a consacrés durant sa vie et qu’il continue d’incarner au Ciel. De même que Marie s’est tenue sans cesse aux côtés de Jésus, Joseph est resté fidèle en toutes choses, véritable témoignage du service que les hommes sont appelés à remplir pour Dieu, dans le travail de chaque jour et la fidélité de chaque instant.
RJ
1 Louis III et Carloman, en 879
2 Dans le Calvados