Sainte Radegonde, princesse thuringienne devenue reine des Francs puis moniale est au nombre de ces saintes mérovingiennes qui rayonnèrent à une époque où, après la chute de l’Empire romain, les jeunes royaumes chrétiens se perdaient en guerres intestines opposant les membres d’une même famille. Prisonnière des Francs après la conquête de la Thuringe, elle épouse Clotaire Ier, fils de Clovis, en 539. Après que celui-ci a fait assassiner son propre frère, elle décide de s’en séparer et se retire à Poitiers où elle fonde l’abbaye Sainte-Croix, pour laquelle elle obtint de l’empereur Justin II, une relique de la Vraie Croix. Elle se lie d’amitié avec Venance Fortunat, évêque de Poitiers, et c’est lui qui, après sa mort, rédige sa vie pour faire perdurer la mémoire de cette reine devenue moniale, qui eut une très forte influence sur les hommes de son temps. Cette vie nous est parvenue dans une version enluminée médiévale et conservée à la Médiathèque de Poitiers (Ms 250).
Le manuscrit
Copié et peint au XIe ou au début du XIIe siècle, le manuscrit de la Vie de sainte Radegonde est l’un des plus remarquables exemples de manuscrits enluminés médiévaux. Il compte 79 folios reprenant la biographie de Fortunat et celle d’une moniale dénommée Baudovinie, qui entreprit également de transmettre à la postérité la mémoire de la reine et abbesse. Tous deux sont représentés en pleine page dans le manuscrit pour signifier qu’ils en sont les auteurs.
Leur texte est accompagné d’un grand nombre de folios peints, reprenant page après page les grands temps de la vie de la sainte comme son mariage avec Clotaire, sa prise d’habit, ainsi que ses miracles : guérison des aveugles, délivrance de possédés etc. Chaque folio peint rappelle tour à tour la piété de la sainte mais aussi les humbles tâches et œuvres de Charité quotidienne auquel elle se prêtait malgré son statut de reine : elle lave les pieds des indigents, les nourrit et soigne les malades.
On dit même qu’en tant qu’abbesse elle participait aux tâches ménagères de son monastère et que, deux ans après sa mort, en 589, la nouvelle abbesse Leubovère fit face à une révolte de moniales qui, une fois la sainte décédée, n’acceptaient plus d’être traitées comme des domestiques. Pour la plupart issues de l’aristocratie franque, ces moniales avaient suivi Radegonde pour échapper à un mariage qu’elles ne souhaitaient pas, la pauvreté du monastère leur était particulièrement difficile à vivre.
La vie monastique comme mort au monde
L’ascèse et la vie de pénitence que s’infligeait Radegonde est d’ailleurs au cœur du récit et des images qui l’accompagnent. On la voit dormir à côté du lit de son époux lors de la nuit de noce, après avoir longuement prié. Même avant de prendre l’habit, elle s’efforce de mener une vie de piété et de pénitence, proche de celle de la moniale qu’elle deviendra. Sa mort au monde, dont les prémices sont annoncées dès sa vie à la cour, ne se réduit toutefois pas à une simple dévotion nocturne. Elle se traduit par la suite par un retrait total du monde, retrait que les enluminures du manuscrit rendent particulièrement évident. Une fois entrée au monastère, Radegonde n’en sort pas, pas même pour opérer ses nombreux miracles. C’est depuis sa cellule qu’elle guérit les aveugles, délivre les possédés qui lui sont apportés. Telle une recluse, elle officie depuis sa cellule. Seule une fenêtre laisse apparaître son visage. Ce n’est que par cette fenêtre qu’elle garde contact avec ce monde.
Conclusion
En quittant la cours de Clotaire dont elle était l’épouse, Radegonde, plus que tout autre, a renoncé à tout pour suivre Dieu. Elle a fait sien l’idéal monastique de renoncement en se privant de tout ce que sa position de reine lui procurait d’opulence et de confort. Certes elle conserva son statut même après être devenue moniale : c’est bien parce qu’elle était reine des Francs qu’elle obtint une relique de la Vraie Croix. Mais l’influence qu’elle avait de par son statut, elle l’usa pour corriger les mœurs de ses contemporains : à la mort de Clotaire, elle usa de son autorité pour rétablir la paix entre ses fils, œuvrant ainsi à l’unité du royaume franc alors en proie aux querelles fratricides.
Une médiéviste