Témoignage

« La retraite pour les couples nous paraît très importante, indispensable après quelques années de mariage. Elle n’est pas du tout conçue uniquement pour des couples qui seraient en crise. Elle a pour but premier de remettre les époux devant les grandes réalités et les belles grâces de leur foyer. De leur faire découvrir ou redécouvrir la vérité de la parole de saint Paul : « Ce sacrement est grand, dans le Christ et dans l’Eglise. » 

Ces mots résument parfaitement ce que nous avons vécu en ces quelques jours passés à Enney[1].

Mon époux avait pris l’habitude, depuis notre mariage en 2012, de faire une retraite de St Ignace chaque année ou presque. Quel vertueux mari, me direz-vous ! Oui, mais quel décalage quand il rentrait ! Il était tout plein de belles et bonnes résolutions et évidemment il ne pouvait pas tout me raconter par le menu. De mon côté, je restais platement avec les bébés et je n’avais pas grandi du tout spirituellement. La seule chose que j’avais fait, c’était d’accepter de le laisser partir, et quand il s’agit du lendemain de Noël, ce n’est pas évident.

Donc, nous nous sommes dit qu’il fallait faire une retraite de couple, pour être tous les deux devant le Bon Dieu et en ressortir ensemble sanctifiés.

Bien sûr, ne croyez pas que ce soit facile de partir en retraite de couple, il faut « caser » tous les enfants, (merci aux amis du MCF), prendre une semaine qui n’est pas une semaine de vacances, et le diable n’est que trop heureux de nous ennuyer jusqu’au dernier moment.

En France, Mérigny[2] propose des sessions de foyers, où on peut venir avec son bébé qui est gardé le temps des méditations. A Enney, en Suisse, il s’agit d’un vrai temps de retraite en silence et les couples sont séparés. Nous nous retrouvons aux mêmes endroits (chapelle, salle d’instruction, réfectoire…) mais nous ne sommes pas l’un à côté de l’autre, nous n’échangeons pas nos impressions. Nous réfléchissons seuls pendant nos méditations, nous préparons notre confession sans être dérangés, nous écoutons pendant les repas des textes de Mgr Lefebvre ou de M. l’Abbé François Dantec, qui a beaucoup écrit sur le mariage. Ce silence est très important et très salutaire. C’est un silence qui concerne la voix, mais aussi les yeux et surtout l’imagination. Bien sûr, pas de téléphone ni d’internet et, en guise de récréation, soit un livre pieux, soit la montagne sur laquelle est bâti le grand chalet qui nous accueille. C’est très bon pour l’humilité car finalement le monde continue de tourner sans nous, et nous, nous sommes juste préoccupés du Bon Dieu.

Dès le 2ème jour, on se prépare à la confession, (générale ou non, comme les retraitants le souhaitent) et le 3ème jour, après le repas de midi en silence, les couples se retrouvent durant une heure et demie pour faire le point sur leurs résolutions, d’une part personnelles, car le conjoint peut beaucoup aider à mieux les appréhender, (on est parfois très indulgent sur nos propres défauts et intransigeant sur ceux des autres), d’autre part résolutions conjugales, avec les lumières déjà reçues pendant le début de la retraite, souvent via le prêtre. Ensuite, silence à nouveau, jusqu’après le dîner où nous retrouvons ensemble le prêtre qui va nous écouter et nous aider.

Chaque jour, nous pouvons voir individuellement le prêtre. Pour ma part, j’avais l’impression que tout allait bien dans ma petite vie et que je n’aurais rien à dire. Au final, heureusement qu’on a un temps imparti pour parler, sinon j’y serais encore !

Nous terminons la retraite par un Salut du Saint Sacrement, très profond et recueilli, un vrai cœur à cœur avec Jésus pour lui confier ce temps béni et le remercier. Puis il y a le dernier repas pris en commun avec les autres retraitants.

En ce qui concerne le contenu spirituel et concret, nous n’allons pas vous faire le plan exact des instructions, vous le découvrirez par vous-mêmes quand vous irez sur place.

Avant tout, je veux redire à quel point cette retraite est concrète. Elle a les aspects d’une retraite de St Ignace mais en « plus facile » peut-être, en moins formelle plutôt. Déjà il n’y a pas d’élection, car comme disent les prêtres, c’est déjà fait, nous sommes mariés pour la vie ! Mais surtout les prêtres qui nous parlent, ou ceux que nous écoutons pendant les repas, donnent beaucoup d’exemples vrais, tirés de leur grande expérience des foyers qu’ils ont côtoyés. Bien sûr, le meilleur exemple reste la Sainte Famille, mais nous avons eu vraiment des instructions spécialement axées sur la pratique des sacrements jour après jour, sur la tendresse entre époux et l’amour conjugal, sur les principes d’éducation chrétienne selon les âges. Quand je suis sortie, j’ai dit à mon mari: « C’est fou, j’ai tout compris. » J’avais peur qu’on s’égare dans la Somme Théologique. On s’appuie dessus, mais on reste bien les pieds sur terre.

Quelques points qui nous ont semblé importants et enrichissants :

La création de la famille

Nous devons aller au Ciel ensemble, l’un ET l’autre, l’un PAR l’autre et pas l’un sans l’autre ou l’un à côté de l’autre. Il nous faut nous attirer l’un par l’autre au Ciel, l’objectif est de rentrer là-haut dans la grande famille de Dieu. Nous devons donc imiter Dieu tout particulièrement par le don : échange des consentements qui est la manifestation de notre amour réciproque, par la vie matrimoniale et par l’œuvre de procréation et d’éducation. Vous connaissez tous, les deux piliers du mariage : la procréation et l’amour mutuel, remède à la concupiscence. Il y a un ordre mais les deux sont très importants.

A partir de là, nous pouvons déjà entrevoir que la famille est la base de la société, que toute l’humanité dérive de ce modèle-là et qu’il faut donc la défendre encore plus aujourd’hui, défendre la vie naissante et aussi défendre le sacrement du mariage, non seulement par son caractère hétérosexuel mais aussi pour son indissolubilité.

La collaboration des époux

L’union fondée sur l’amour mutuel a pour but de combler le nombre des élus au Ciel, d’où procréation et éducation, et cet amour aide les époux à se sanctifier dans la vie commune. Dieu a élevé cette union au rang de sacrement et le signe sensible de ce contrat est l’alliance.

« Femmes, soyez soumises à vos maris… et vous maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise ». On oublie souvent la fin de la phrase et souvent les cœurs féminins regimbent un peu contre le début… Déjà il faut appréhender tout cet enseignement, ensuite en vivre : avoir cette vraie unité de cœur et d’esprit, Dieu a voulu cette union supérieure. Ne faire qu’UN. C’est important de renouveler son consentement tous les jours. Nous avons un but commun : faire notre salut, ensemble. Sans compter que nous sommes les collaborateurs du Christ pour le salut de nos enfants également.

Voyons comment agir au quotidien avec son conjoint : la collaboration entre époux est une science et il faut y travailler en ayant une inviolable fidélité à tous les devoirs de notre état.

L’imitation

L’enfant apprend en voyant ses parents vivre leur mariage au quotidien. L’abbé ajoutait : « on peut être une maman qui prie toute la journée et court partout faire ses bonnes œuvres, mais ce n’est pas cela être une sainte maman. Une sainte maman sait faire la cuisine chez elle tout d’abord ! ». Les premières années sont souvent pleines d’élan et de générosité, ne laissons pas la routine et la tiédeur (conjugale et spirituelle) s’installer ! Il y aura les défauts de l’autre, les petites déceptions, le naturel qui revient au galop, mais soyons bienveillants et charitables. La vie intérieure nous y aidera beaucoup.

Quelques pistes concrètes pour ce thème (ce sont aussi des vertus de la famille chrétienne) :

  • le respect de Dieu et de ses propres parents (respect aussi de la hiérarchie, surtout cléricale et religieuse)
  • l’obéissance prompte et joyeuse (pour se lever le matin par exemple)
  • l’esprit de sacrifice (montrer l’exemple pour internet / la télévision…)
  • l’amour de la pureté (la chair doit être disciplinée – alcool, tabac…)
  • la joie familiale (« Un saint triste est un triste saint »)

Nos abbés ont insisté sur un dernier point qui est l’équilibre : celui du couple, de la famille. Attention à une trop grande rigueur et à un trop grand laxisme.  L’important est que tout le monde puisse s’épanouir sous le regard du Bon Dieu. Ne pas hésiter à encourager ses enfants. Oui, le monde qui nous entoure n’est pas facile, mais ensemble et surtout avec la grâce du Bon Dieu qui aide tous les parents du monde, nous pouvons et nous devons y arriver.

La tendresse entre époux

C’est assez surprenant de la part de prêtres, mais nos prédicateurs ont énormément insisté sur ce point

Ne pas laisser se coucher le soleil sur une colère dans le couple, un malentendu, c’est si important. Déjà pour bien dormir et ensuite pour la construction du foyer. Bien sûr, le couple, ça s’entretient.

Le don total des deux époux est magnifique, c’est une image très lointaine du don de Dieu. Mais il y a aussi toutes les petites attentions, la tendresse, l’affection, les petits riens qui agrémentent les journées. (Ne pas enfoncer l’autre qui rentre d’une journée difficile et a besoin de se reposer un peu, encourager l’épouse qui a passé une grosse journée à faire son ménage…) C’est aussi une manifestation de l’amour du Christ et de sa bonté, dont nous avons une petite idée dans l’Evangile. Tout simplement, cette bonté, cette humanité, cette bénignité de Dieu : tout ce qu’on peut faire par charité envers l’autre est imitation de Jésus-Christ.

                Enfin, il y a ce fameux « devoir de s’asseoir » qui ne devrait justement pas être un devoir, mais un vrai plaisir ! Joie de se retrouver, juste tous les deux sous le regard du Bon Dieu, sans les bébés qui hurlent, s’apprêter, se faire belle pour sortir en amoureux avec son mari, mettre pour une fois les pieds sous la table si on va au restaurant, ou tout simplement préparer un bon petit dîner à la maison, une fois les enfants couchés, prendre ce temps là au moins une fois par mois, pour parler de tout mais surtout pour prendre soin de notre couple. C’est un véritable tremplin pour mieux repartir, avec courage et confiance !

 Que de grâces !

Nous pouvons parler de grâces de la retraite bien sûr, mais celles-ci vont rester personnelles et ne pas se voir automatiquement et immédiatement dès notre sortie. De plus, le diable qui était déjà bien assidu à nous empêcher d’aller en retraite, est de retour après cette parenthèse divine, et il ne perdra pas une minute pour nous mettre des bâtons dans les roues.

Le chapelet à genoux

Une remarque tout d’abord très pratique et très concrète me vient : bien sûr, nous disions chaque jour notre chapelet, mais souvent dans les transports, c’est-à-dire assis en allant à l’école ou au travail ou alors le soir, assis sur une chaise devant l’oratoire familial parce que nous sommes fatigués. Rentrés à la maison, nous décidons de garder cette position à genoux qui honore Dieu. Une fois de plus, montrons aussi l’exemple à nos enfants. Bien sûr, à 2 ans et demi, un enfant ne va pas rester à genoux sans broncher et réciter son chapelet médité. Nous avons décidé de dire avec nos 4 petites entre 6 ans et 10 mois, une dizaine de chapelet avec elles. Le secret, c’est de chanter le dernier « je vous salue Marie », elles aiment beaucoup ce moment. Et la Sainte Vierge doit sourire là-haut d’entendre ce chœur qui chante un peu faux…      

La méditation

Pensons aux invités que nous recevons et que nous choyons autant que nous pouvons ; faisons de même avec Dieu, ne le laissons pas tout seul, surtout après L’avoir reçu dans la communion.

Cet aspect de la méditation, nous l’apprenons à la retraite. S’arrêter, réfléchir, prier, adorer Dieu, le remercier pour tous ses bienfaits passés et à venir. Je le répète : nous avons des vies à cent à l’heure, encore plus aujourd’hui avec les progrès techniques, les voyages quasi instantanés, internet où d’un clic vous pouvez acheter la lune. Comme cela fait du bien d’être juste avec le Bon Dieu, et un petit peu son conjoint, de se recentrer sur l’essentiel, d’être dans le silence pour contempler ne serait-ce que la neige qui recouvre le chemin qui mène au chalet. Comme tout nous paraît clair et pur !

L’examen de conscience

Pour nous, l’examen de conscience se résume souvent à celui des enfants ; chaque soir, nous disons tout fort : « est ce que j’ai bien travaillé à l’école, est-ce que je suis venu mettre la table quand maman me l’a demandé… » ? Mais l’examen de conscience des adultes est plus sévère forcément et il faut donc s’y remettre, au quotidien, pour ne rien oublier et avoir une vraie horreur du péché.

On trouve dans le petit livre bleu un petit examen à faire quotidiennement pour se maintenir en componction : d’abord remercier Dieu pour la journée reçue, demander la grâce de reconnaître ses péchés, examiner concrètement ce que j’ai fait dans ma journée (par exemple n’ai-je pas manqué à mon devoir de prière, de charité, d’état), demander pardon à Dieu pour ses péchés (il ne faut ainsi jamais s’endormir sans un acte de contrition) ; enfin prendre des résolutions pratiques pour se corriger et éviter de retomber dans le péché.

L’examen particulier chaque jour permet donc de se corriger sur tel défaut précis en trouvant le moyen concret pour s’en défaire. La pénitence nous y aide puisqu’il s’agit de se priver de quelque chose pour l’amour de Dieu. Avec le ferme propos et en posant des actes renouvelés, on peut devenir meilleur. Et il ne faut pas oublier que plus nous sommes malheureux plus la miséricorde de Dieu se penche vers nous. Pensons à Jésus et ne nous habituons jamais à Dieu fait homme pour nous (pour les païens c’était une folie d’admettre cela !).

Les résolutions

Si tout ce que nous venons de dire vous semble impossible, que vous êtes loin du tableau du couple idéal (du moins c’est ce que vous pensez), que vous avez l’impression d’avoir raté l’éducation de vos enfants, il ne faut pas oublier l’amour infini de Dieu, son infinie Providence.

Faites une bonne retraite de couple si vous le pouvez, écoutez, méditez, adorez le Bon Dieu et prenez des bonnes résolutions bien concrètes pour vous et votre famille. C’est le clou de la retraite, nous en parlons longuement avec le prêtre. Elles nous permettent de nous libérer de certains « esclavages », n’ayons pas peur des mots, sur des points très concrets comme le respect humain, la décence, le bavardage, la paresse, etc… Il y a trois sortes de résolutions : celles concernant la piété (la vie spirituelle), celles concernant l’étude (la formation doctrinale), enfin celles qui relèvent de l’action (devoir d’état mais aussi engagement associatif ou spirituel).

Nous terminerons avec les mots qui achèvent le manuel de M. l’Abbé Delagneau[3] :

                « Retenez quelques mots clés de cette plaquette, qui seront des mots d’ordre pour tous les jours :

                Ordre : Dieu premier servi et chacun à sa place complémentaire,

                Joie de vivre : se donner pour le bien des autres sans craindre le sacrifice de soi

                Equilibre : sur le plan humain et social

                Organisation : pour avoir une vie calme et paisible

                Se démarquer de l’esprit du monde, de ses modes, de ses suggestions, tout en vivant dans le monde.

                Que Dieu vous bénisse et vous assiste ! »

Voilà pour les grandes lignes de cette retraite de couple dont nous rendons grâces NUNC ET SEMPER.

Louis et Agnès Lafargue

[1] Enney : Lieu où se trouve une Maison de retraites spirituelles en Suisse – Domus Dei – Route de la Vudalla 30 – 1667 Enney

[2] Mérigny : Lieu de retraites spirituelles assurées par la Fraternité de la Transfiguration en France – Le Bois – 36220 Mérigny

[3]  Conseils pour réussir une famille chrétienne aujourd´hui  – M. l’abbé Delagneau – Marchons Droit N°124