Le terme de Deuil désigne la perte liée au décès d’un être proche, d’un parent ou d’une personne chère. Il désigne également la réaction psychologique consécutive à cette perte, qu’il s’agisse des différents états traversés par l’endeuillé (notamment la tristesse propre au deuil) ou du processus psychologique évolutif et prolongé (« travail du deuil ») conduisant naturellement à la fin de cette expérience. Quand Dieu a laissé au défunt le temps de se préparer pieusement à la mort, qu’il a pu rencontrer un prêtre, se confesser, recevoir les derniers sacrements et la bénédiction « in articulo mortis1 », le deuil est en général facilité. En effet, malgré la douleur de la disparition, on est soulagé de savoir qu’il a accompli son passage dans l’autre vie dans les meilleures conditions possibles. Le prêtre saura aussi répondre aux questions que tout un chacun peut se demander vis-à-vis des problèmes que posent l’acharnement thérapeutique, la prise de morphine et de certains médicaments. Il aura la bonne réponse et de ce fait même apaisera les inquiétudes de l’entourage. De plus les prières de l’Eglise qui accompagnent les mourants « à l’heure de la mort » mais aussi pendant les jours qui suivent, et ce jusqu’à la mise en terre sont très consolantes. Mais quand malgré la supplication que nous font réciter les litanies2 : « de la mort subite, délivrez-nous, Seigneur », le défunt a été rappelé à Dieu sans les secours de l’Eglise, le deuil est toujours plus douloureux.
C’est une expérience quasi universelle, à laquelle sont confrontés un jour ou l’autre la plupart des individus, souvent même à plusieurs reprises. Les statistiques témoignent ainsi de la grande fréquence du veuvage : on estime qu’il existe environ 4 millions de veufs en France. Il s’agit d’une population âgée (plus de 85% ont plus de 60 ans).
Il existe trois phases dans le deuil :
La phase initiale (phase de détresse, phase d’impact, phase d’hébétude) est caractérisée par un état de choc : stupéfaction, incrédulité qui traduisent le déni défensif : la personne se trouve plongée brutalement dans un état de torpeur, d’engourdissement, dans lequel elle continue à vivre et à agir, mais de façon automatique. Cette période est inconstante, de quelques heures à quelques jours, exceptionnellement plus d’une semaine. Peu de souvenirs restent d’une telle période.
La phase centrale dite de dépression ou de repli, représente la période aigüe du deuil. Elle est caractérisée par un état émotionnel intense d’allure dépressive : tristesse, pleurs, culpabilité, honte, irritabilité, anorexie, insomnie, sentiment de vide, fatigue. Un sentiment de colère vis-à-vis du mort n’est pas rare. Colère et culpabilité traduisent l’ambivalence de l’endeuillé, qui est pris entre le sentiment de n’avoir pas fait tout ce qui était en son pouvoir à l’égard du décédé et celui d’avoir été injustement abandonné par lui.
Cette phase se traduit aussi par un retrait social avec une incapacité à maintenir les habitudes du travail.
Il y a également une identification inconsciente au défunt avec des préoccupations de santé similaires, parfois suscitées par des symptômes somatiques d’emprunt, une imitation temporaire de ses manières d’être, de comportement et des habitudes du défunt.
Au cours de cette période, des perceptions sensorielles d’allures hallucinatoires (impression d’entendre la voix du défunt, de sentir son contact, de l’entrapercevoir, etc..) peuvent survenir mais l’endeuillé est conscient de l’absence de support réel…
La difficulté de cette période est celle du diagnostic différentiel entre deuil normal et dépression. Sa durée varie de plusieurs semaines à un an, mais elle est inférieure à 6 mois pour la plupart des sujets.
La troisième phase marque la fin du deuil : c’est une phase de résolution caractérisée par :
– l’acceptation de la perte et la personne peut alors se souvenir du défunt sans douleur excessive ;
– le rétablissement des points d’intérêts habituels, parfois un désir de s’engager dans de nouvelles relations et de nouveaux projets ;
– le retour à un mieux-être psychique et somatique.
Les conséquences psychologiques du deuil varient beaucoup d’un sujet à l’autre : elles dépendent des conditions de décès et des liens affectifs qui unissaient les personnes. On considère ainsi que la perte du conjoint et le décès d’un enfant font partie des évènements ayant le plus fort retentissement psychologique.
Bien que douloureuse et prolongée, cette expérience s’inscrit habituellement dans un processus psychologique normal, mais il est des deuils pathologiques ou compliqués qui sont source de souffrance et de désadaptation marquées, en raison d’une perturbation du processus de deuil, ou de la survenue d’un trouble psychiatrique : épisode dépressif majeur, surtout, mais aussi, parfois, trouble anxieux. Ces complications justifient la mise en œuvre précoce d’un soutien psychologique pour les plus vulnérables des endeuillés et d’un traitement adapté en cas de trouble psychiatrique.
Mais au-delà, des étapes psychologiques par lesquelles passent tous les êtres humains, il faut se souvenir que le travail du deuil est grandement facilité par la vie spirituelle et par l’aide que peut apporter un prêtre qui saura guider une âme dans ces circonstances douloureuses.
Dr. N. Rémy
1 Bénédiction à l’article de la mort, donnée en général après le Sacrement de l’Extrême-Onction et qui sera effective à l’instant de la mort.
2 Litanies des saints