Il n’y a qu’un seul Dieu mais Dieu n’est pas solitaire pour autant car il est Trinité. Entre les trois personnes divines qui constituent la famille Trinitaire, il existe une telle harmonie, une telle union, une telle unité qu’elles ne sont qu’un seul Dieu. Ni la Trinité ne nuit à l’unité, ni l’unité n’empêche la Trinité. Par la grâce, Dieu rend l’homme participant de sa vie divine et l’invite à vivre
Le pécheur, lui, est seul, il souffre de solitude.
En enfer, sa plus grande peine sera de savoir qu’il sera à jamais seul, coupé de Dieu. Plus que les flammes, que Dieu dans sa miséricorde a créées pour impressionner nos faibles esprits, la vraie peine de l’enfer, c’est la solitude éternelle, la peine du dam. La solitude, c’est le tribut du péché. Au contraire, le chrétien en état de grâce n’est jamais seul. Même le moine apparemment coupé du monde, même l’ermite, isolé au fond d’une forêt, dans une grotte, nourri par les animaux, n’est pas seul. Il sera souvent même moins seul que tous ceux qui vivent dans le monde, et qui vivent loin de Dieu.
En effet, Dieu n’est pas du monde. Le monde hait Dieu. Le monde fait du bruit pour masquer sa voix. Dieu parle dans le silence. Aussi, l’isolement du monde rapproche de Dieu. Nous trouvons Dieu dans la prière, l’oraison, la méditation. Dieu n’aime pas le bruit, ne fait pas de bruit. Le bruit couvre sa voix. Le monde, lui, ne fait que bavarder, se pavaner, communiquer, buzzer, crier, cancaner, médire, salir, ricaner. Le monde ne peut pas entendre la voix de Dieu, à cause de son tumulte. Son bruit, ce sont les illusions mondaines de vie « sociale », souvent fausses car si peu de gens agissent aujourd’hui en vérité. Son bruit, c’est sa quête assourdissante de l’instantané, du sensationnel, du sentimental, tout cela fondé sur le mensonge. On paraît, on brille, on pontifie, on se regarde, mais ce ne sont que des masques. Les « pompes de Satan ». Ce décorum, ce mauvais théâtre, cette mièvre comédie préparent l’éternelle solitude de ceux qui se laissent charmer.
Au jugement dernier, nous serons seuls face à Dieu. Nous n’avons qu’une âme. Pas deux. Si nous la perdons, nous la perdons pour toujours. Cette âme comparaîtra un jour seule devant Dieu qui la jugera. « M’as-tu aimé ?« , ou « T’es-tu aimé toi-même ?« . Ce jour-là, nous serons seuls. Nos amis, nos relations sociales, nos illusions, notre smartphone, notre vie mondaine mise en scène, notre niveau de vie, notre renommée, tout cela aura disparu. L’illusion du monde tombera. Il ne restera que nous et Dieu. Si nous avons aimé Dieu sur terre, alors nous serons purifiés et entrerons dans la vision de Dieu ou notre intelligence sera comblée par la connaissance de Dieu et notre volonté comblée par un amour immense. Mais si nous nous sommes aimés sur terre, si nous avons joué la comédie avec nous-même dans le jeu du monde, oubliant Dieu, méprisant son amour, lui préférant le bruit de la vanité, le tumulte de la chair, ou que sais-je, alors nous serons seuls pour toujours, loin de Dieu.
Le monde qui nous entoure méconnait cette vérité. Comme il y a 2000 ans, devant la croix, certains ne virent qu’un homme abandonné mourir. Oui, il était un homme abandonné. Oui, il a crié « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?« . Oui, il a voulu souffrir de la solitude la plus extrême sur la croix, laissant sa propre mère aux hommes. Cette solitude extrême, Jésus a voulu la souffrir et l’offrir en sacrifice pour que nous ne soyons pas punis de la solitude éternelle. Si les hommes pouvaient comprendre cela ! Le bon larron l’a vu. Avec ses yeux d’homme, il a vu que cet homme seul, moqué, méprisé, était Dieu. Il a vu son sacrifice infini, sa force, sa douceur, sa miséricorde, le pardon qu’il a donné à ses bourreaux. Il a vu les illusions du monde disparaître pour laisser briller la vérité. Il faut des yeux pour voir ! Nos yeux voient-il ? Ou préférons-nous les pompes du monde ? Tout le monde n’est pas appelé à être moine et porter l’habit, mais tout le monde dans son cœur doit vivre comme un moine : s’isoler du monde, au moins en esprit, pour l’union à Dieu, dans le silence, dans la paix, dans la joie.
Louis d’Henriques