Chère Bertille,
Félicitations pour ce stage que tu as pu avoir sur Angers ! Dans ta dernière lettre, tu me racontes que tu as pu trouver un petit logement bien situé entre ton lieu de travail et la chapelle, mais que tu te sens un peu seule car tous les étudiants sont rentrés dans leur famille pour les vacances et que tu ne connais personne dans cette grande ville.
La solitude, cela fait partie de notre vie lorsque nous sommes célibataires. Tu ne t’en es peut-être pas encore rendu vraiment compte car depuis que tu as commencé tes études en septembre, tu as été bien occupée et les activités se sont succédées : travaux de groupe avec les étudiants de la faculté, révisions des cours, réunions de jeunes, répétitions de chorale, petites soirées entre amies…Tu vivais donc au rythme rapide de la vie actuelle sans avoir le temps, ou sans prendre le temps de ralentir.
Maintenant, les examens sont passés, il n’y a plus de révisions, plus de réunions de jeunes, plus de répétitions de chorale, simplement ton stage. Tu découvres alors ce qu’est la solitude, le fait de rentrer seule chez soi, de ne pas pouvoir raconter sa journée à une amie, de ne pas préparer le repas pour d’autres. Chère Bertille, je reconnais que cet état peut sembler rempli d’amertume, mais si tu sais en tirer tout son profit, il est d’une très grande richesse !
Ces moments où tu te trouves seule sont des moments de silence ; lorsque tu rentres chez toi, il n’y a pas de bruit, tout est calme. Assieds-toi et écoute le silence… Ecoute comme il est beau et comme il apaise… Il apaise car c’est à ce moment que le Bon Dieu peut parler à notre âme. Non pas que le Bon Dieu ne nous parle qu’à ce moment-là, Il cherche sans cesse à se communiquer à nous, mais c’est dans le silence que nous sommes capables d’entendre et d’écouter le Bon Dieu. Le silence nous permet le retour sur nous-mêmes et l’union de notre âme au Bon Dieu. C’est ainsi que nous en venons à la prière et à l’oraison qui est justement l’union à Dieu. Ce temps de prière dans la solitude est primordial car il nous recentre vers l’essentiel et nous prépare à ce que le Bon Dieu veut pour nous. En nous penchant sur l’Evangile, nous voyons que Notre Seigneur nous en a donné l’exemple : « Se dérobant à la foule, Jésus se retira sur une montagne pour prier. Il passa toute la nuit à s’entretenir avec Dieu. Quand il fit jour, il appela ses Disciples, et choisit parmi eux, ceux que lui-même voulut, et ils vinrent à lui1». Rien de grand ne peut se faire dans le bruit et l’agitation, mais au contraire, les grandes choses se préparent dans la solitude, le silence et la prière.
Ce moment de solitude est aussi propice à la lecture. Tu as maintenant le temps de te plonger dans les livres que tu as mis de côté ces mois derniers. Il y a tant de sujets passionnants qui méritent d’être approfondis !
Tu peux prendre la biographie de tel personnage qui s’est illustré dans la crise de l’Eglise, dans l’histoire de notre pays ou de ta région, un roman d’Henri Bordeaux, René Bazin ou Henri Vincenot qui nous replonge dans la vie quotidienne de nos ancêtres et nous remet face aux grandes questions existentielles. Prends le temps de lire ma chère Bertille, c’est une vraie nourriture pour notre intelligence. Cela participe à la formation de notre conscience, nous donne une ouverture d’esprit qui permet à notre intelligence de découvrir les richesses qui nous entourent, tant au niveau des qualités humaines que des beautés de la nature. La lecture nous ramène à Dieu, car nous voyons combien tout est beau et harmonieux tant que l’ordre divin est respecté, et combien tout devient chaos et horreur quand on s’en détourne.
Enfin, chère Bertille, ce temps de solitude est aussi le bon moment pour penser à toutes ces personnes qui sont seules tous les jours et qui souffrent. Cette solitude ne doit pas être source d’égoïsme et de repli sur soi pour se morfondre dans sa tristesse. Non, bien au contraire, il doit être rempli d’une joie intérieure animée par le feu de la Charité. C’est l’occasion, par exemple, de prendre des nouvelles de ta grand-mère qui vit seule dans sa grande maison depuis quelques années, tu peux lui téléphoner ou lui écrire une belle lettre, ou de ton amie qui avait des soucis et dont tu n’as plus beaucoup de nouvelles. Tu peux aussi te remettre à la couture et confectionner de jolis objets pour tes petites nièces. Je suis sûre que tu débordes d’idées pour faire plaisir autour de toi !
Cet état n’en reste pas moins difficile à supporter, car il n’est pas naturel à l’homme. En effet, nous sommes faits pour vivre en société. Mais c’est justement l’occasion d’offrir en sacrifice cette difficulté et de s’habituer à aimer ces temps de calme et de silence.
Ma chère Bertille, voilà ce que je voulais te transmettre sur la solitude. Tu vois que finalement c’est un état très riche et qui donne du fruit. Ne gaspille pas ce temps mais mets-le à profit. Pour cela, n’hésite pas à recevoir souvent les sacrements, tu es tout près de la chapelle et tes horaires de stage te le permettent. La Sainte Messe transformera tes journées et les remplira du feu de la Charité !
Je te souhaite un très bon stage,
Je t’embrasse,
Anne
1 Si tu savais le don de Dieu : le Saint Evangile de Notre Seigneur