Je ne puis vouloir la vie avec Dieu…sans rechercher la solitude…ce n’est que dans un certain retrait de mes frères que je le trouverai1.
Chers grands-parents,
Notre monde se caractérise par une recherche effrénée d’activités… Il ne faut pas s’ennuyer, il ne faut pas être seul2, c’est essentiel pour l’équilibre de l’homme moderne ! Quand on compare notre vie à celle des générations qui ont précédé la nôtre, on est frappé par l’accélération de notre rythme d’activités. Nous ne devons plus connaître l’ennui, le silence, le repos. Puis soudain, la retraite arrive et nous nous trouvons relativement seuls, sans activités obligatoires puis parfois abandonnés3.
Que penser de tout cela ?
Pour nous grands-parents, il y a certainement un équilibre à trouver. Après le « sprint » de la vie active, une certaine solitude et un certain ennui peuvent nous être utiles pour prendre du recul, nous ramener au réel et nous rappeler notre fin.
En effet, dans la troisième partie de notre vie, après l’enfance et la vie active, il nous est certainement nécessaire de nous retirer un peu (le mot « retraite » vient bien à propos), pour prendre du recul. Certes tant que la santé nous le permet, nous ne sommes pas exemptés d’agir pour aider nos ménages, d’œuvrer dans les actions paroissiales et de poursuivre une vie sociale active ! Les « seniors » ont leur place dans les œuvres paroissiales et il n’est pas interdit de voyager ! En revanche, il nous paraît néfaste d’imaginer la retraite comme un étourdissement de croisières (si nous en avons les moyens), théâtres et activités diverses… Ces moyens, bons en eux-mêmes doivent être employés avec discernement car, dans cette période de la vie où les consolations terrestres diminuent, nous avons certainement le devoir d’utiliser notre temps pour nous rapprocher de notre fin. Ce discours pourra étonner les « jeunes » retraités mais le temps passe vite et nous sommes convaincus que notre « apostolat » auprès de nos jeunes n’en sera que plus riche. Si nous voulons acquérir la sagesse nous devons parfois accepter un moment de solitude et de silence. A cet égard, nous ne résistons pas au plaisir de citer cette belle phrase du père Calmel « que saint Joseph, modèle des contemplatifs, nous obtienne la grâce du silence ; le silence où Dieu habite, où l’âme ne cesse d’être nourrie par Dieu et consolée par lui ». Le retrait momentané de nos frères peut être une nécessité. Evidemment, tout est une question d’équilibre mais nous ne pensons pas que l’idéal soit, au moment où l’on quitte la vie active de construire une nouvelle vie active nous permettant de « profiter » au mieux de notre liberté.
Pour nos jeunes, je parle des enfants, il me paraît nécessaire de lutter contre la suractivité du monde moderne, parfois amplifiée par des parents soucieux d’occuper leurs petits. Il nous est parfois arrivé d’avoir à accueillir un de nos petits enfants d’une dizaine d’années seul… Que lui faire faire ? Il va s’ennuyer ! L’expérience nous a rapidement montré qu’il n’en était rien…
Ayant la chance d’habiter la campagne, nous nous sommes aperçus qu’il était ravi de participer aux activités de grand-mère ou de suivre grand-père au potager loin de toute vidéo. Loin de se sentir en manque, l’enfant met en marche son imagination, rêve, parle, joue seul, prend du temps à réaliser un ouvrage seul… Le grand-père n’est pas forcément celui qui emmène au zoo ou au cirque ! C’est aussi celui auprès duquel on mène une vie calme et retirée, où l’on prend le temps de faire les choses – tout est éducatif – où l’on s’ennuie un peu, laissant notre imagination se développer. Nos adolescents ont une dispersion de vie que nous n’avons pas connue ! L’indispensable portable les empêche d’être là où ils sont et les rend à l’affût de tout ce qui pourrait les extraire de la réalité du moment. Peut-on mener une vie spirituelle voire tout simplement une vie personnelle dans ces conditions ? C’est le paradoxe de notre monde où l’on n’a jamais été aussi connecté ni aussi seul ! Les grands-parents par leur exemple de vie – un peu – retirée du monde peuvent servir de repère en la matière !
Prions saint Joachin et sainte Anne, patrons des grands-parents de nous éclairer dans notre rôle de chefs de famille et de nous aider à piloter au mieux notre barque.
Bon courage à tous !
Des grands-parents
1 P. Calmel
2 Et pourtant, entre 1990 et 2008 le nombre de personnes vivant seules à presque doublé en France !
3 85 % des résidents en EHPAD ne reçoivent qu’une visite par mois de leur famille