Bien chère Bertille,
Ça y est la rentrée approche à grands pas, et j’ai senti dans ta dernière lettre une certaine lassitude, et un peu de découragement à l’idée de reprendre les études.
Je voudrais donc t’encourager à la patience, à la persévérance, à la pratique de la vertu de Force. La jeune fille chrétienne en a bien besoin. Le monde extérieur attire avec ses plaisirs, ses réjouissances, ses facilités. Il sait susciter nos sens, pour nous détourner de cette intériorité qui nous rapproche de Dieu. Mais tu le sais tout ce qui s’acquière facilement ne procure pas une joie durable. La vie chrétienne est un combat. Certains auteurs parlent du combat spirituel. Il y a une part de lutte et une part de défense. Soit tu attaques les puissances extérieures, soit tu essaies de ne pas te laisser vaincre par elles. Les deux font partie de la vie chrétienne. Mais il peut être bon, parfois, de commencer par se fortifier avant de se lancer dans la bataille.
Une âme munie de la vertu de Force supporte ou « enjoint à la sensibilité d’endurer les peines de la vie ». Elle doit se caractériser par la fermeté sereine et par son calme imperturbable. Tu as des convictions que tes parents t’ont transmises. La vertu de Force va t’aider à les mettre en pratique. Par exemple, tenir en toutes circonstances la modestie dans le vêtement, malgré les réflexions que l’on peut te faire à la Fac. Ne pas avoir peur de montrer ou de dire que tu es chrétienne parce que tu ne manges pas de viande le vendredi. Refuser une soirée avec des personnes de ta promo, car tu sais qu’elle va se terminer en débauche. Je pense que tu as de multiples exemples en tête à mettre en pratique pour affirmer tes convictions de jeune fille chrétienne. Au fur et à mesure que tu poseras les actes, la vertu de Force va grandir en toi et viendra le moment où partir à la bataille ne te fera plus peur. Ton âme se sera fortifiée dans la répétition persévérante des petites choses.
Comme on ne corrige pas un enfant en cinq minutes, de même il faut être patient avec soi-même. « La patience est la gardienne de toutes les vertus » dit saint Grégoire. Saint Jacques ajoute même « qu’elle achève la perfection ». La vertu de patience qui est une vertu annexe à celle de la Force, accompagne souvent les plus grandes vertus et se fait souvent le signe tangible de leur vitalité. « Savoir attendre sans fièvre le bien auquel on aspire n’exige pas un moindre effort que d’endurer le mal dont on est frappé1 ». La patience n’est pas que dans l’épreuve ou la souffrance. Elle peut être aussi dans l’attente d’un bien.
La vie de la femme est faite de beaucoup d’attente : attente de sa vocation. Dans le mariage, attente durant 9 mois de l’enfant, attente de son mari le soir, attente auprès de l’enfant malade, attente de l’enfant qui rentre de pension… La femme doit donc savoir faire preuve de patience, une patience purificatrice, sainte, afin que ces attentes soient riches et fructueuses en grâces pour elles et ceux qui l’entourent.
Ma chère Bertille, je t’invite à t’exercer à cette belle vertu de la patience, si nécessaire pour toute ta vie. Va puiser au pied de l’autel, au Sacrifice de la Croix à la Messe, les forces pour pratiquer cette belle vertu. Seul Notre-Seigneur, qui a été doux comme un agneau, pourra te combler de grâces. Répétons chaque jour cet exercice de patience dans les petites actions, afin que le moment venu, elle te soit facile à pratiquer. Sois assurée de mes plus vifs encouragements.
A très bientôt,
Anne
1 P. Sineux, Initiation à la théologie de Saint Thomas d’Aquin