La Sainte Vierge s’est plu, au cours des siècles, à témoigner par des signes visibles son intercession maternelle et la protection qu’elle accorde à ses fidèles. Son action bienfaisante s’exprime tout particulièrement dans le don qu’elle nous fit du scapulaire, et surtout des promesses qu’elle attacha à son port. Malheureusement, ce scapulaire est souvent l’objet d’incompréhensions ou d’ignorances, venant gêner ou même annuler son efficacité. Aussi, penchons-nous sur ce petit morceau d’étoffe, afin d’en redécouvrir toutes les grandeurs et toute la beauté.
Petite histoire du scapulaire
Tout comme la médaille miraculeuse et le chapelet, le scapulaire fit l’objet d’une apparition de la Sainte Vierge. Saint Simon Stock, prieur général de l’ordre du Carmel, reçut la visite de la Sainte Vierge dans la nuit du 16 juillet 1251, à Aylesford, en Angleterre. Entourée d’une foule d’anges, elle lui présenta le scapulaire avec ces mots : « Voici un signe pour toi et un privilège pour tous les Carmes : celui qui mourra dans cet habit sera préservé des flammes de l’enfer.» Ce scapulaire, grande pièce de tissu brun couvrant les épaules et tombant par le devant et l’arrière jusqu’aux genoux, devint la manifestation claire de l’appartenance de l’ordre des Carmes à Notre-Dame et de sa protection. L’ordre, menacé de disparition, connut alors un renouveau et fleurit dans l’Europe entière. Le pape Innocent IV (1180-1254), étendit les privilèges du scapulaire aux membres de la Confrérie de Notre-Dame du Mont Carmel, porteurs de la version réduite du scapulaire des Carmes. En 1316, le pape Jean XXII reçut de Notre-Dame le Privilège Sabbatin : Marie promit aux porteurs du scapulaire de les délivrer du Purgatoire le samedi suivant leur mort. Ce privilège est confirmé par Clément VII en 1530. La dévotion au scapulaire connaît un véritable essor avec les guerres de religion du XVIe siècle ; elle s’oppose à la réforme protestante qui rejette la Sainte Vierge. Par la suite, de nombreux papes ont rappelé l’importance du scapulaire et souligné ses privilèges, tout en rappelant les conditions nécessaires à leur application.
Privilèges et conditions du port du scapulaire
Notre-Dame a directement accordé des privilèges au port du scapulaire, mais il serait faux de le considérer comme un talisman, comme un gris-gris qui protège infailliblement son porteur, car comme tout sacramental, il y a des conditions à l’efficacité de ce vêtement de la Vierge.
Le premier privilège est la préservation de l’Enfer. La Sainte Vierge assure qu’elle protègera de la damnation celui qui portera son insigne, et n’y attache pas de condition, si ce n’est de l’avoir reçu des mains d’un prêtre et de le porter jour et nuit.
Le deuxième privilège est le Privilège Sabatin, ou la délivrance du Purgatoire le samedi après la mort. Les conditions liées sont la conservation de la chasteté, selon l’état de vie du porteur (vie consacrée, célibat, vie conjugale), ainsi que la récitation des prières prescrites par le prêtre ayant imposé le scapulaire. Il s’agit du Petit Office de la Sainte Vierge, du Bréviaire ou, plus communément, de la récitation quotidienne du chapelet.
Le dernier privilège est la protection dans les dangers de l’âme et du corps, si l’imposition est faite par un prêtre et que le scapulaire est porté constamment.
Le scapulaire n’est donc pas un « passe-partout » assurant à son porteur le Salut sans effort. Les conditions liées sont certes peu contraignantes, mais elles sont nécessaires pour permettre l’efficacité de la Grâce. Cependant, la protection contre l’Enfer s’applique-t-elle également pour le pécheur impénitent, lorsqu’il a reçu cet insigne des mains du prêtre et qu’il l’a porté continuellement, même dans sa vie de péchés ? Non, répond saint Augustin : « Si Marie ne peut vous retirer de vos désordres, elle trouvera bien moyen de vous arracher sa livrée.» Cela s’est constaté à de multiples reprises. Un jeune homme débauché, élevé chrétiennement et ayant reçu le scapulaire, était persuadé d’éviter l’Enfer malgré sa vie de péchés, pour peu qu’il porte jour et nuit le scapulaire. Il mourut dans un déraillement de train, et l’on retrouva à côté de son corps le scapulaire, le cordon coupé. La Sainte Vierge a repris son insigne juste avant le trépas de son enfant indigne. De même, une jeune fille avait tenté à plusieurs reprises de s’ôter la vie. Malgré de nombreuses tentatives, elle en réchappait toujours et ne s’en tirait que blessée. Elle comprit que ses échecs étaient causés par le scapulaire qu’elle portait au cou. Elle l’arracha, et se donna la mort. Marie ne peut nous sauver malgré nous : quelle que soit la valeur des sacramentaux et des grâces qu’elle nous envoie, nous restons libres de nos choix.
Le signe de la Sainte Vierge
Le scapulaire est la livrée de Marie. Une livrée sert tout d’abord à signifier l’appartenance de son porteur à une famille, à un maître auquel il jure fidélité. Il en devient en quelque sorte une propriété. La livrée sert ensuite à protéger son porteur, à l’élever aux yeux des autres : le prestige du maître rejaillit sur son serviteur qui en est grandi. L’attaquer ou lui porter outrage reviendrait directement à manquer de respect envers le maître. A l’inverse, le porteur de la livrée se doit d’avoir à chaque instant une attitude digne du statut de son maître, propre à lui rendre l’honneur qui lui est dû. Ainsi la livrée fait du serviteur un ambassadeur de son maître, et sert sa réputation. Il est enfin évident qu’un serviteur indigne dans ses actes nuirait à l’honneur de son maître, et pourrait en toute justice être puni, privé de sa livrée ou des privilèges liés. Il en est de même pour le chrétien qui porterait indignement le scapulaire, ou l’utiliserait pour couvrir ses péchés de l’illusion du salut assuré.
Si le travers de considérer le scapulaire comme un talisman a été suffisamment abordé, il ne faut pas oublier celui, dans un sens aussi dommageable, de voir cet insigne comme une superstition. C’est en effet le propre de nombre d’esprits modernes, « éclairés », de mépriser les signes extérieurs de la dévotion à Marie. Ils les traitent de porte-bonheurs, de croyances de vieille femme, et les accusent de détourner de la confiance totale en Dieu. On reconnaît bien là l’esprit janséniste, tournant en dérision la Foi simple, humble et sincère d’un peuple aimant et soumis à sa Mère du Ciel, pour la remplacer par une Foi désincarnée, perdue dans les nébuleuses de leur intelligence insoumise. Laissons Marie user des moyens qu’elle souhaite pour nous mener à elle, et utilisons-les pour croître dans son amour et son service.
C’est dans les petites choses que Dieu manifeste le plus sa grandeur. Les privilèges, en définitive inouïs, qu’Il a accordés par sa Sainte Mère à un insignifiant morceau d’étoffe, sont un signe supplémentaire de sa puissance et de son amour pour nous. « Combien d’âmes, disait Pie XII, en des circonstances humainement désespérées, ont dû leur salut éternel au Scapulaire dont ils étaient revêtus : combien aussi, dans les dangers du corps et de l’âme, ont senti, grâce à lui, la protection maternelle de Marie ! » Si nous avons reçu le scapulaire, rappelons-nous qu’il est un signe d’appartenance à la Famille de la Sainte Vierge. Si nous ne l’avons pas, recevons-le bien vite1 afin de rejoindre cette union sainte, et de bénéficier des si grands privilèges qu’il accorde. Mais faisons attention à le garder selon son esprit, en vrais fils de Marie : elle nous assure que si nous portons notre scapulaire avec dignité, pour elle, alors vers elle le Scapulaire nous portera.
R.J.
1 Il suffit d’en demander l’imposition à un prêtre.