Pascal Lartisan discute avec Hervé Lingénieur sur le parvis de l’église.
- Que veut faire ton fils l’an prochain, après son bac ?
- Il ne sait pas…surtout pas le métier de son père !
- Le mien, il n’est motivé pour rien….
- Qu’allons-nous faire de nos enfants ? Ils ne se rendent pas compte…
- C’est vrai….il ne savent pas ce que c’est que la vie professionnelle !
Le mois précédent, leurs fils ont répondu à un questionnaire d’orientation : « quels métiers connaissez-vous ? Que savez-vous du métier de vos parents ? Essayez de les décrire puis de cerner leurs avantages et inconvénients »…
Xavier Lingénieur: « mon père est ingénieur dans l’aéronautique. Il passe son temps en réunions et fait des mails. Ce n’est pas intéressant, je veux un métier où on bouge, avec du concret… »
Louis Lartisan: « mon père est plombier chauffagiste. Il répare des installations pourries. C’est un métier désagréable. On est mal installé pour travailler et chez des gens de mauvaise humeur. Je veux un métier où je puisse m’épanouir dans une bonne ambiance ».
La semaine suivante, les pères de famille se retrouvent :
- J’ai discuté avec mon fils. Il m’a parlé de son questionnaire d’orientation. Quel choc ! J’ai fait une erreur… J’ai tellement voulu séparer vie professionnelle et vie familiale pour préserver ma famille, que mes enfants n’ont aucune idée de mon travail !
- Mon fils a parlé avec ses profs. Mais ils ne savent pas lui expliquer les autres métiers que le leur ! Ils n’ont jamais connu d’autre milieu que celui de la fac…
- Ah…je comptais sur eux, mais j’aurais pu y penser…c’est difficile de parler de ce qu’on ne connaît pas !
- Moi, je crois que je les décourage: quand je rentre fatigué, j’ai besoin d’évacuer… Quand leur chauffage est en panne, certains de mes clients se croient seuls au monde et crient sur le plombier trop lent à venir, plus fort que sur leur chien !
- Il n’est pas trop tard, il reste quelques mois avant le choix définitif sur Admission PostBac !
Conseils du mois :
L’état d’esprit et la motivation
- Comme dans la vie spirituelle, la meilleure motivation, celle qui mène le plus loin, est celle de l’attrait pour le Bien, le Beau, le Vrai ; et non pas celle qui consiste à éviter le mal. Il nous faut donc nous attacher à faire découvrir aux enfants la beauté des métiers.
Le travail est nécessaire à l’équilibre de l’Homme, à son progrès, son épanouissement et sa joie. Joie du travail bien fait, d’une belle œuvre, du service rendu, du client satisfait, d’un problème résolu, de la connaissance acquise ou transmise, des remerciements reçus…
N’ayons pas une notion erronée de la punition du péché originel… Le travail n’est pas une punition, c’est sa pénibilité qui l’est. Le travail fait partie de l’équilibre de la vie de tous les religieux, même des ermites les plus détachés !
- Sachons voir et raconter à nos enfants la finalité, le sens positif de notre travail avant l’effort accompli ou les inévitables difficultés du patron, du client, de l’élève, des collègues, de la nature ! Nous avons obtenu un résultat, rendu un service, débloqué une situation, passé un bon moment, rendu quelqu’un souriant, surmonté notre peur, semé pour que d’autres moissonnent…
- Appuyons nous sur ce que les enfants aiment et sur leurs qualités naturelles pour les orienter vers des activités qui utiliseront ce socle positif nécessaire à la réussite. Un enfant artiste qui a toujours sa chambre en désordre sera probablement peu à l’aise dans un métier de comptable ou de logistique…mais pourra être un bon intellectuel, un ingénieur de recherche brillant, ou exercer dans les métiers de l’art….
La connaissance
- Il existe aujourd’hui de multiples métiers, et des passerelles entre les différentes formations qui n’existaient pas il y a 25 ans. Allons chercher des conseils avec nos enfants dans des associations, des journées portes ouvertes ou des salons.
- Il est normal qu’un adolescent ait du mal à imaginer la réalité du monde du travail ! N’allons pas leur reprocher d’idéaliser et de vouloir un travail motivant, qui bouge, qui a du sens !
- Il est courant qu’un adolescent veuille se différencier de son père, au moins pour se faire sa propre idée. Encourageons-le à questionner ses grands cousins ou de jeunes oncles, nos amis, des jeunes de 25 ou 30 ans dans le métier desquels il se projettera plus facilement que dans ceux des adultes en fin de carrière ! Démarrons une conversation devant lui s’il ne sait pas comment s’y prendre….
- Alors, Thomas, où travailles-tu ? Qu’est-ce qui te plaît dans ton travail ? Comment es-tu arrivé là ?…
- Nous pouvons aussi proposer aux professeurs de l’école de nos enfants de visiter notre entreprise -notre activité- avec leurs élèves ou de venir leur parler de notre métier avec quelques photos ou un film.
Hervé Lepère
Le casseur de cailloux, fable attribuée à Charles PEGUY |
Charles Péguy va en pèlerinage à Chartres. Il voit un type fatigué, suant, qui casse des cailloux. Il s’approche de lui : « Qu’est-ce que vous faites Monsieur ? « Vous voyez bien, je casse des cailloux, c’est dur, j’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Je fais un sous-métier, je suis un sous homme ». Il continue et voit un peu plus loin un autre homme qui casse les cailloux ; lui n’a pas l’air mal. « Monsieur, qu’est-ce que vous faites ? » « Eh bien, je gagne ma vie. Je casse des cailloux, je n’ai pas trouvé d’autre métier pour nourrir ma famille, je suis bien content d’avoir celui-là ». Péguy poursuit son chemin et s’approche d’un troisième casseur de cailloux, qui est souriant et radieux : « Moi, Monsieur, dit-il, je bâtis une cathédrale. » |