Quatrième Mystère Glorieux : La mort et l’Assomption de la Sainte Vierge.

O ma Mère, c’est dans la maison de Jean que mon cœur vous cherche, dans la paix sereine de ces jours où vous êtes devenue la mère de l’Eglise naissante. Maison où vous vous recueillez dans la prière et le silence, mais aussi maison ouverte pour recevoir le va et vient des disciples et des apôtres entre leurs courses apostoliques. Maison où s’unissaient la prière et l’action. Maison où chacun venait refaire ses forces et trouver paix et réconfort. Et vous vous faisiez toute à tous…

Pour eux, vous étiez la mère avec tout ce que ce mot renferme de force et de douceur ! Pour eux vous étiez le modèle de vie intérieure, de prière et de piété. Avec quelle ferveur, ils devaient vous interroger sur l’enfance de Jésus, sur tous les souvenirs que vous gardiez précieusement et qui faisaient revivre l’enfance et l’adolescence de leur Maître.

Un jour vint, qui fut le dernier de l’exil… et celui-là reste dans l’obscurité pour nous… Mais nous savons de façon certaine que votre âme est montée au ciel et a emporté votre corps avec elle. Nous n’avons qu’à lever les yeux pour suivre vers le ciel votre sillage éblouissant !

Oh ! n’est ce pas qu’en vous élevant comme une reine, le cœur en fête, pour rejoindre votre bien aimé, vous avez regardé longuement la terre, cette terre des hommes où votre cœur restait parmi nous !

 Fruit du Mystère : La méditation féconde de la mort.

Moi aussi, un jour proche ou lointain, j’arriverai à ce moment suprême où toute ma vie sera derrière moi, toute finie, toute écoulée, avec ses peines, ses joies, ses épreuves, ses réalisations et ses échecs, toute sa poussière de petits évènements. Pour moi aussi viendra cette minute où je n’aurai plus rien devant moi que ce mystérieux passage qui débouche sur l’éternité et s’appelle la mort. Est-ce que j’y pense parfois ? Non ! Et pourtant l’Eglise ne me recommande-t-elle pas de « penser à mes fins dernières » ? Non pas, certes pour que je m’effraye devant ce mystère que personne ne peut expliquer, mais pour que j’en tire des leçons de vie !

N’est-ce pas, en effet, devant la mort que je peux le mieux comprendre le sens des jours qui passent, ces jours qui me semblent si insignifiants que je les laisse tomber derrière moi comme des choses sans valeur ? Ils me semblent si pareils les uns aux autres, du lundi au samedi, avec leur recommencement perpétuel de besognes menues, le ménage, le linge, les courses, les devoirs à faire exécuter, cette lettre à écrire, cette visite à rendre, tant de choses entre le matin et le soir, qui recommencent immuablement… Le soir, lorsqu’avant de me coucher, je m’arrête quelques minutes pour prier, il me semble que ma journée s’est évaporée derrière moi sans laisser de traces. Ce sont pourtant tous ces jours qui, au dernier, ressurgiront sans qu’il en manque un à l’appel pour témoigner pour ou contre moi ! Alors ma vie sera devant moi comme une tapisserie faite point par point et dont chacun avait sa place irremplaçable dans l’ensemble !

O ma journée d’aujourd’hui, comme je t’aimerais malgré ta monotonie, ton recommencement, ta fatigue, si je pouvais comprendre tout ce qu’il y a d’éternel en toi, si je pouvais réaliser que tu seras là à l’appel du dernier jour, et que les moindres tâches que j’aurais faites, si j’y ai mis beaucoup d’amour, seront éblouissantes comme des pierres précieuses !

Et n’est-ce pas la mort aussi qui donne le sens des vraies valeurs humaines ? « Quelle est celle-ci qui s’élève, appuyée sur son bien-aimé ?[1] » Une reine ? Un de ces êtres qui ont rempli le monde de leur réputation ? Non ! Personne ne l’a connue. C’est l’épouse d’un charpentier, une femme qui fait cuire son dîner au coin du feu de sarments, raccommode des vêtements, tient le ménage. Une humble entre les humbles. Et au contraire, qui connaît aujourd’hui les riches patriciennes dont le luxe éclaboussait le public ?

Que d’erreurs dans mes jugements parce que j’oublie de regarder les êtres et les choses dans cet éclairage cru de la mort qui dissipe toutes les illusions, toutes les erreurs !

Ce ne sont pas les comptes en banque, les succès humains, les amitiés, qui devant la mort, me sembleront mes richesses, ce seront, auprès de mon lit pour m’entourer, les actes de vertu, les heures amoureusement données au devoir monotone, les sourires de pardon, les efforts pour vaincre l’égoïsme, le temps consacré au service des autres, tel pauvre secouru et dont le visage oublié me sourira peut-être à travers les brumes de l’agonie !…

Si je pensais ainsi, comme toute ma vie se simplifierait, comme je me soucierais peu de m’installer au milieu des biens périssables, comme je désirerais plutôt les seuls biens qu’on emporte avec soi ! Ne suis-je pas trop souvent affairée à des choses superflues, et ne vais-je pas entendre le même reproche que Marthe : « Marthe, Marthe ! Tu t’inquiètes de beaucoup de choses, une seule est nécessaire » ?  Alors ?… cette épreuve qui m’est lourde, ce souci qui me donne la migraine, cet échec qui m’humilie, si je les regardais aujourd’hui avec le regard lucide que j’aurai devant la mort, n’en comprendrais-je pas la richesse cachée ?

Vierge Marie, en souvenir de votre Assomption, donnez-moi de vivre chaque minute de ma vie avec l’âme que je voudrais avoir si à l’instant je devais comparaître devant Dieu. Donnez-moi de faire chaque chose comme si elle devait être la dernière. Donnez-moi de mettre en tout un peu « d’éternel ».

Faites que je pense souvent, en méditant ce quatrième mystère glorieux, à l’heure où moi aussi, je paraitrai devant Dieu pour rendre les comptes du « bon et fidèle serviteur ». Faites que dans ma vie dévorée minute par minute par tant d’occupations, je sache garder présent le sentiment de l’écoulement rapide de tout, pour voir les choses comme je les verrai au moment suprême. Mais venez au secours de ma faiblesse ! Vous savez bien que je ne peux pas vivre toujours les yeux fixés en haut, et que, lorsque ma prière est finie, je me retrouve reprise et engloutie dans les mille petits soucis de l’existence. Aidez-moi pour que je n’oublie pas, au milieu des jours qui passent si vite, celui qui sera le dernier. J’ai besoin de vous et c’est pourquoi je vous redis avec tant de confiance, les éternels mots de mon rosaire : « Priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. » Maintenant… pour que soit bonne l’heure de ma mort !

D’après Paula Hoesl

 

[1] Cantique des cantiques 8:5