A notre place

     Il est difficile d’être à notre place, juste avec le devoir d’état monotone, répétitif, lassant.

     Nous voudrions tout posséder : 

     Un foyer heureux, un cercle d’amis présents, une réputation flatteuse, une position honorable, une honnête aisance, la reconnaissance de nos talents.

     Nous voudrions être une référence par les conseils avisés, admirées pour nos qualités intérieures, notre adresse manuelle, notre sens artistique ou notre élégance.

     Être au courant des dernières nouvelles et tout comprendre,

     Avoir raison en tout mais sans nous mettre en porte à faux avec le monde,

     Avancer en vertu, si possible sans la croix

     Sommes-nous alors pauvres en esprit ?

 

     Ce qui est visible dans la jeunesse, au fur et à mesure de l’âge se dissimule et si nous n’y prenons pas garde, enfle de façon cachée comme un abcès. Nous savons en effet de mieux en mieux masquer, dire ou paraître ce que les autres attendent de nous.

     De plus l’expérience acquise nous donne, à nos yeux, le droit de dominer, de juger.

     A celui ou celle qui ne partage pas notre point de vue, nous opposons nos besoins, notre âge, notre expérience, notre fonction, notre état, parfois jusqu’à l’impatience ou la colère.

     Comment alors être pauvre en esprit ?

 

     En regardant les saintes femmes tout à leur service du Maître, nous avons la réponse. Celle du service humble et caché dans le silence et la simplicité.

     Avec leur modeste besogne: nourriture, gite, entretien des tuniques déchirées, soins des pieds abîmés par les longues marches, elles recevaient dans leurs âmes l’enseignement et la douceur du Maître.

     Toutes à leur tâche, l’Evangile ne rapporte pas qu’elles se querellaient pour la première place comme les apôtres et Marthe avait compris comment joindre la prière et la contemplation à son activité.

     Elle qui avait tant souffert avec Lazare des désordres de Marie-

     Madeleine, jetant le déshonneur sur leur famille et faisant craindre pour son salut, avait accepté humblement que sa sœur l’ait dépassée en vie intérieure et s’était désormais mise à son école sans cesser d’être efficace.

     Marthe avait eu la grâce de la pauvreté du cœur.

 

     Ces femmes, pauvres d’elles-mêmes, accompagnaient les disciples de leurs soins attentifs et délicats, restant à leur place dans la prière, sans donner leur avis sur ce qu’il convenait de faire.

     Mendiantes de Dieu, elles recueillaient toute la journée les grâces du Divin Cœur et avec la Vierge Marie, apprenaient à méditer en repassant tout dans leur cœur.

     Sans respect humain et sans peur, elles ont tout donné, fait fi de leur réputation, seules sur le chemin du Calvaire pour s’y tenir avec la Vierge Marie, après que Véronique eut essuyé avec une immense compassion le visage du Sauveur.

     Quelle récompense leur fut-il donnée de cette humble fidélité sans inquiétude pour elles-mêmes ?

     La Sainte Face imprimée sur le linge, et d’être les premiers témoins de la Résurrection.

     A s’être totalement oubliées, par pur amour, elles ont été comblées bien au-delà de ce qu’elles auraient pu imaginer, car justement elles n’attendaient rien.

     Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux est à eux.

                                                En la fête de Sainte Marthe, 29 juillet

                                                                       Jeanne de Thuringe