L’éducation au pardon

           L’éducation spirituelle du tout jeune enfant est indissociable de l’éducation naturelle, les principes de la foi chrétienne doivent se vivre chaque jour pour pénétrer mieux l’âme et la tourner vers le bon Dieu. Ainsi les notions de prière, d’action de grâce, de pardon commencent-elles en apprenant au tout petit à dire « s’il vous plaît », « merci », et « pardon ».

C’est d’abord à ses parents de la terre que l’enfant prononce ces trois petits mots incontournables. C’est même avant qu’il en comprenne le sens que ses parents les lui prononcent : « s’il vous plaît » dès qu’il tend les bras pour obtenir ce qu’il désire, « merci Papa ou Maman » quand on le lui donne, et « pardon » lorsqu’il a fait un caprice ou que le parent a été obligé de hausser le ton pour reprendre son enfant.

Peu à peu on les lui fera répéter à bon escient, puis, lorsqu’il sera en mesure de le faire spontanément, on le laissera les prononcer seul en lui montrant bien que l’on attend qu’il dise quelque chose, quitte à le lui rappeler « Que dit-on ? », « comment demandes-tu ? » …

Avec le temps, l’enfant verra que ces trois petits mots font vraiment plaisir à papa et maman ! Peu à peu, les parents feront comprendre que ce qui leur fait plaisir fait aussi plaisir au bon Dieu. Il y a un lien automatique, et le jeune enfant est si heureux de faire plaisir à ceux qu’il aime, qu’il mettra tout en œuvre pour le faire. Pour cela, il faudra bien sûr que les parents marquent à leur enfant un encouragement, une reconnaissance et une joie visible, et qu’ils se parlent poliment entre eux en se demandant pardon et se remerciant avec simplicité : « Oh excuse-moi, Chéri, j’ai oublié ce bouton que tu m’avais demandé de recoudre ! », « C’est toi qui as vidé le lave -vaisselle ? Merci beaucoup ! ».

Ces mots, une fois acquis dans la vie quotidienne, deviendront également habituels dans la vie spirituelle, notre Père du ciel, comme papa et maman sur la terre, attend de moi les mêmes paroles.

Quand la raison s’affirme avec la conscience du « moi », ce que j’aime ou non, ce que je veux ou pas, moi et les autres…et encore « mon petit caractère », l’enfant se sent plus facilement contrarié ou blessé, surtout lorsqu’il faut demander pardon ! Cela lui coûte et touche sa fierté. Il faut alors apprendre à passer par-dessus son amour propre et faire preuve d’humilité…qu’il comprenne bien qu’il a fait quelque chose de mal, qu’il a fait de la peine à quelqu’un et que cela se répare d’abord en demandant pardon. Il apprend ainsi ce qu’est le bien ou le mal, la prochaine fois il préfèrera le bien, qu’il apprendra peu à peu à aimer, et regrettera d’avoir offensé en ayant fait de la peine à ses parents, frères et sœurs, camarades…et donc aussi au bon Dieu !

Les parents exigeront ce pardon qui, en fonction du petit tempérament, viendra plus ou moins rapidement. C’est surtout par la douceur (tout en montrant son mécontentement) que les parents toucheront le mieux son cœur et le feront fléchir docilement. Ce pardon prononcé, ce regret d’avoir peiné, prépare déjà la petite âme aux confessions futures.

Lorsque le pardon est dit, papa et maman montrent leur joie et embrassent leur petit contrit, lui exprimant leur satisfaction de son effort, et l’amenant à désirer ne pas recommencer son méfait (il aura aussi demandé pardon et embrassé ses frère, sœur ou toute personne à qui il aura fait de la peine). Et quand papa et maman ont pardonné, c’est fini, on n’en parle plus… exactement comme le bon Dieu pardonne aussi au confessionnal.

Demander pardon…mais savoir aussi pardonner ! Là encore, il faudra faire appel à une belle force de caractère et d’âme pour forcer l’humilité à prendre le dessus ! Si la personne qui l’a offensé a demandé pardon à l’enfant, il faut vraiment apprendre à ce dernier à pardonner en vérité et entièrement…comme fait le bon Dieu !

Cela n’est pas toujours si simple, mais on peut déjà préparer le terrain de son cœur à la maison, voici comment :

Par un climat de bienveillance en famille, en évitant toute critique du prochain. Les foyers où l’on critique à tout va finissent par ne voir que les défauts des autres ! Rien ne va jamais, et le prochain ne trouve que rarement grâce aux yeux scrutateurs ! Cela encourage à ne pas pardonner…rien n’est jamais de leur faute, mais celle des autres qui ont tant de défauts et qui, eux seuls, doivent demander pardon ! Les cœurs se durcissent et ne se pardonnent rien au sein même de la famille où le climat est pesant et suspicieux… Tout serait si léger et paisible si on faisait preuve de charité en trouvant des excuses, ou ne relevant rien de ce qui nous agace « ce n’est pas grave, c’est une maladresse de sa part… ». Et puis il ne faut pas toujours se sentir concerné par les affaires des autres…nous avons déjà bien assez des nôtres ! Se détacher des affaires qui ne nous regardent pas, c’est se protéger de tout jugement téméraire. Une maman que je connais bien répète souvent à ses enfants « Mords-toi, la langue ! » dès qu’elle sent qu’une réflexion désobligeante pourrait jaillir…ou vient de surgir en une flèche acerbe !

  Il y a des choses qui ne regardent pas nos enfants. Certaines conversations n’ont pas à être faites devant nos jeunes témoins, ou rapportées plus tard. Cela éviterait bien des jugements de la part des non concernés. Voilà une grande charité dont les enfants se souviendront toute leur vie en l’imitant. Si les parents ont quelques griefs contre quelqu’un, ils les gardent pour eux en faisant l’effort de lutter contre une éventuelle colère qu’ils chercheront à apaiser avec vigueur en la remettant entre les mains de la Providence. Et si leurs enfants ont eu vent de quelque affaire injuste, les parents leur expliqueront comment pardonner de bon cœur et ne pas donner trop d’importance à trois fois rien.

  On ne fait pas les choses pour se faire valoir, mais parce qu’on doit les faire, et les faire bien avant tout pour faire plaisir à ceux que l’on aime, gratuitement, sans esprit de retour (compliments, service rendu, admiration…). Il n’y a souvent qu’un pas entre la charité et la vanité… Attention à ne pas entretenir ce regard des autres qui emprisonne la générosité et efface tout naturel dans les relations. Cela peut devenir une maladie de se sentir jugé, observé. Seul le regard du bon Dieu compte, ma conscience est là qui me guide vers le bien pour Lui plaire à Lui surtout ! Se « fermer les yeux » au regard des autres aide à ne pas considérer leurs défauts ou mauvaises actions, cela revient à se protéger de tout mauvais jugement de leur part comme de la mienne. Il ne s’agit pas, bien sûr, de vivre les yeux rivés au sol, mais d’être détachés, en pensée, des faits et dires des autres au point de ne pas se sentir piqué au vif, blessé ou même flatté à la moindre réflexion.

  L’habitude d’un examen de conscience quotidien est indispensable, pour aider nos enfants à prendre du recul sur leur journée, mieux voir leurs péchés et reconnaître leurs torts. Cette humilité nécessaire à toute contrition se fait beaucoup plus facilement devant le bon Dieu qui sait déjà et comprend tout.

  Chers parents, apprenez à vos enfants à pardonner dès leur plus jeune âge ! Luttez contre toute susceptibilité qui n’est que le reflet d’un orgueil contre lequel on n’a pas bien lutté. C’est si difficile de l’apprendre adulte, les gens qui ne savent pas pardonner sont des gens extrêmement malheureux ! Cela ne se fera pas en un jour, les aider à prendre conscience de cette rébellion interne qui les submerge régulièrement est déjà un immense progrès. Jour après jour ils apprendront à la combattre. Le bon Dieu sait bien qu’il ne suffit pas de vouloir être saint pour le devenir, il faut surtout lutter ! Il voit toujours la bonne volonté que l’on y met, et la récompense en envoyant les grâces nécessaires au combat.

« Accepter les occasions de mépris et d’humiliation, d’abord avec patience, puis volontiers sans difficulté, à la fin avec joie : c’est l’humilité parfaite ! » Père Kolbe

Sophie de Lédinghen