De la prière et de quelques objections courantes

           « Prier », « Réciter le Rosaire », « Veillez et priez. » Voici des paroles saintes dont nous minimisons souvent la portée… La prière est toute-puissante sur le cœur de Dieu mais il faut prier sans hésitation d’âme. On le sait, Dieu ne change pas, son message est immuable et n’évolue pas au fil du temps et de l’évolution des mentalités ; nous devons donc sans réserve aucune nous adonner à la prière. Cependant nous entendons bien souvent des objections auxquelles nous essaierons de répondre succinctement après avoir explicité ce que Dieu attend de nous.

  « L’acte le plus beau et le plus ordinaire de la dévotion est la prière. L’homme est esprit et corps, et la prière est la nourriture quotidienne de l’esprit, comme le pain matériel est la nourriture quotidienne du corps1.» « Ainsi cette offrande du chrétien en état de grâce qui dirige toutes ses actions vers Dieu, pour les grands besoins de l’Eglise et des âmes, peut convertir en actes surnaturels d’apostolat jusqu’aux actions les plus petites et les plus modestes. Le paysan à sa charrue, l’employé à son bureau, le commerçant à son comptoir, la ménagère dans sa cuisine, tous peuvent devenir les collaborateurs de Dieu qui attend d’eux et accomplit avec eux les humbles tâches de leur devoir d’état2.

Relisons notre catéchisme :

 

La prière est une élévation de l’âme vers Dieu,

  • pour l’adorer, (quand l’âme s’abaisse, en retour Dieu l’élève et lui donne l’amour ; c’est alors que naît l’adoration qui nous met dans la vérité surtout par rapport à Dieu3. »
  • pour lui demander pardon, (« Le pécheur qui dit : « Notre Père » a déjà la tête hors du sépulcre où l’a mis son péché»)
  • pour implorer ses grâces « Toute la vie étant pleine de dangers et d’écueils, il est impossible de les éviter sans un secours continuel de Dieu ; mais comment le demander sans être avec lui ? Comment être avec lui, qu’en y pensant souvent ? Comment y penser souvent, que par une sainte habitude de se tenir en sa présence, pour lui demander les grâces dont nous avons besoin à tout moment5?
  • pour le remercier de ses bienfaits (Quelles actions de grâces vous rendrai-je, Ô mon Dieu, pour tous les biens que j’ai reçus de vous6?)

 

Des remarques ou objections entendues :

 

  Je prie quand j’en ai besoin, dans le danger ou dans les épreuves. Cela me fait du bien.

  Dieu se sert des épreuves, en effet, pour obtenir de nous quelque attention mais ce serait ne lui donner que le rôle accordé par les païens à leurs dieux craints. Non notre Dieu, Lui, est un Dieu d’amour, il veut notre bien et il demande un amour réciproque. Nous sommes faits pour le ciel, pour partager de manière totale et définitive cette amitié réciproque quand nous sommes en état de grâces. La prière nous permet d’augmenter notre union avec Dieu. Il nous a déjà tant donné, ne sommes-nous capables que d’une prière de demande sans même le remercier ? Ce serait bien ingrat !

 

  Les prières sont des formules toutes faites, récitées distraitement, et bien souvent inutiles.

  Le curé d’Ars expliquait à ses paroissiens que « prier c’est parler à Dieu comme à une personne » ; est-ce à dire qu’il faut faire fi des formulations que l’on trouve dans notre Missel ? Non, bien sûr, il nous faut plutôt faire nôtres ces paroles et y adhérer de tout notre cœur ; c’est ainsi, en y portant une attention particulière et en adhérant à ces textes qu’ils atteindront vraiment leur but. Notre-Seigneur lui-même nous a enseigné le Notre Père, c’est la prière par excellence ; le Je vous Salue Marie est une prière inspirée par l’Ange Gabriel dans sa première partie. Les autres prières sont là pour nous apprendre à parler à Dieu.

« Les distractions involontaires n’empêchent pas l’union de la volonté à celle de Dieu, elles n’empêchent pas le fruit de la prière7

 

  Quand les enfants ont grandi, ils ont préféré prier seuls dans leur chambre ; nous avons donc supprimé la prière en famille ; il faut qu’ils se prennent en charge !

  Prière commune et prière individuelle ont toutes les deux leur place dans la vie du chrétien.

Saint Jean Chrysostome dit que le foyer chrétien est une « Église en miniature ». La famille réalise cette vocation si elle est « une maison dans laquelle Dieu est connu, servi, honoré de tous8.» C’est la famille en corps constitué qui prie son Père du Ciel : cette prière n’est pas la juxtaposition de prières individuelles, elle a un caractère « public ». Elle s’inscrit dans le service de Dieu, de la part de la famille. Si chacun fait sa prière de son côté (encore faut-il qu’elle ne soit pas oubliée…), le devoir de religion qu’a la famille envers Dieu (en tant que petite société qui dépend de Lui), n’est pas assumé.

 

  Je fais déjà ma prière du soir, du matin, je récite mon chapelet en voiture, le bénédicité… Que voulez-vous de plus ?

  La prière est l’acte par lequel nous voulons manifester notre intention de servir Dieu comme Il le voudra et de demander son secours pour y parvenir.

Elle doit donc féconder le reste de la journée en ravivant la ferveur nécessaire. Le problème n’est pas de réciter une certaine quantité de prières par jour ; ce que Dieu veut, c’est unir Son cœur au nôtre pour que nous ne fassions plus qu’un avec Lui. Cette union est très belle et transformera notre vie.

 

  Croyez-vous vraiment que Dieu nous demande de réciter une liste de prières chaque jour, comme font les musulmans ?

  Ce serait bien mal comprendre l’amour divin ! Dieu nous aime et veut que nous lui soyons unis par des liens d’amour réciproque ; nos prières doivent être comprises par notre intelligence et récitées avec tout notre cœur. Mais comment pourrons-nous lui rendre un millième de son amour, à lui qui a offert sa vie pour nous dans des douleurs inexprimables ?

 

  Je n’ai pas le temps !

  « Vouloir, c’est pouvoir ! » disait le Maréchal Foch. Il nous suffit de considérer les maux de notre temps pour comprendre qu’il y a urgence ! Puisque Notre-Dame elle-même l’a demandé à maintes reprises, serions-nous assez imprudents pour ne pas écouter ses conseils ? C’est le premier pas qui coûte : il suffit de mettre dans son emploi du temps ces petits instants réservés à rendre culte à notre Dieu : les prières quotidiennes, un petit quart d’heure au moment qui nous semble le plus approprié, la récitation du chapelet en famille. Trouvons des petits moyens pour nous en souvenir (réveil, montre à l’envers, etc…) En plus de la prière du matin et de celle du soir, cette habitude de passer quelques instants en union avec le Bon Dieu, nous mettra au diapason avec le Saint-Esprit ; les oraisons jaculatoires et les communions spirituelles nous aideront aussi à nous maintenir en présence de Dieu : notre journée sera ainsi vraiment celle du chrétien uni à Dieu de façon naturelle et toutes nos actions en seront sanctifiées.

 

Je n’éprouve rien et j’ai l’impression de perdre mon temps !

  Dieu nous a tout donné ; ne devons-nous pas lui manifester un peu de reconnaissance gratuitement. Sans attendre de ressentir un bien être ou d’entendre sa voix. Le Christ nous regarde, il suit nos efforts, il nous connaît comme ses enfants, il mesure nos douleurs et nos efforts. Sachons vivre les heures de sécheresse et les moments difficiles avec les yeux levés vers le regard divin qui nous parle de son amour pour nous. « Une once de prière dans la sécheresse vaut plus que cent livres de prière faite avec consolation et suavité9

 

Vous portez un scapulaire, une médaille et vous pensez que grâce à eux vous irez au ciel ! C’est un peu facile !

  Les saints sont nos intercesseurs dans le ciel. Ils sont nos protecteurs et si notre intention est pure et digne d’être présentée, ils portent nos prières jusqu’au trône divin. Quant à Notre-Dame, c’est la Mère de Jésus-Christ et le Christ l’aime de tout son cœur. Il ne peut rien lui refuser. Porter le scapulaire demande de répondre à une certaine dévotion qui par la grâce que Dieu a bien voulu accorder pour le bien des âmes, nous mènera jusqu’à Dieu.

 

Ma tante priait toute la journée et laissait ses enfants en guenille ; ça m’a dégouté de la prière.

  Dieu n’a jamais demandé que l’homme abandonne son devoir d’état pour le servir mais en revanche, il demande de faire notre devoir d’état en union avec lui. Ne suivons pas Luther qui voulait séparer le royaume temporel et le royaume céleste en affranchissant le temporel de Dieu. C’est là l’origine du laïcisme et de la fausse conception de la liberté religieuse. Celui qui fait son devoir d’état en union avec le Christ obéit à Saint Paul qui demandait de prier sans cesse.

 

Je prie beaucoup et je ne suis jamais exaucée. Je me sens abandonnée.

  « Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et l’on ouvrira à celui qui frappe10. » Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé11. » Il faut prier sans se lasser mais attention ! Dieu voit plus loin que nous ! Il sait ce qui nous est nécessaire et ce qui est bon pour les nôtres. Il accorde ce qu’il sait de meilleur et au meilleur moment mais ce n’est pas nécessairement ce que nous nous voulons.

Dieu, s’il est Tout-Puissant sait bien ce qu’il me faut !

  La prière n’est pas faite seulement pour demander des dons, c’est une conversation avec Dieu dans le silence de notre cœur.

 

Notre maison n’est pas un couvent ! Avec la prière du matin, du soir, les prières avant les repas, le chapelet, on va saturer les enfants !

  « De telles pratiques de dévotion ne reviennent point à transformer la maison en église ou en oratoire : ces exercices ne sont que les mouvements sacrés d’âmes qui ont pris conscience de la force et de la vie de la foi. Dans la vieille Rome païenne elle-même, la demeure familiale avait son petit sanctuaire avec un autel dédié aux dieux lares ; on les ornait de guirlandes de fleurs, spécialement aux jours de fêtes ; on y offrait des sacrifices avec des supplications. C’était un culte entaché de l’erreur polythéiste ; mais cette dévotion devrait faire rougir de honte beaucoup de chrétiens, qui, le baptême au front, ne trouvent ni une place dans leurs chambres pour l’image du vrai Dieu, ni dans les vingt-quatre heures de la journée le temps de rendre au Christ l’hommage collectif de la famille12. »

 

  Accordez-nous, Seigneur, cet amour pur et fort qui ne cherche que vous dans une continuelle et généreuse adhésion à votre sainte volonté ! Nous aimerons Dieu dans la mesure où nous nous appliquerons à faire ce qu’Il veut et nous trouverons alors la paix et la sérénité nécessaires pour affronter les difficultés.

 

Marguerite-Marie