Yves Duteil (né le 24 juillet 1949)
Conclusion pessimiste pour cette œuvre talentueuse et très réaliste, qui nous met en garde, comme l’illustration ci-contre de Norman Rochwell (1894-1978), contre les ravages que peut causer un bavardage malveillant.
Mais de « la rancœur » annoncée à la fin de la chanson, non ! Le pardon oui, et pourquoi pas, la demande de bénédictions envers la personne qui nous a fait du tort.
La rumeur ouvre ses ailes
Elle s’envole à travers nous
C’est une fausse nouvelle
Mais si belle, après tout
Elle se propage à voix basse
À la messe et à midi
Entre l’église et les glaces
Entre confesse et confit.
La rumeur a des antennes
Elle se nourrit de cancans
Elle est bavarde et hautaine
Et grandit avec le temps
C’est un arbre sans racines
À la sève de venin
Avec des feuilles d’épines
Et des pommes à pépins.
Ça occupe, ça converse
Ça nourrit la controverse
Ça pimente les passions
Le sel des conversations
La rumeur est un microbe
Qui se transmet par la voix
Se déguise sous la robe
De la vertu d’autrefois
La parole était d’argent
Mais la rumeur est de plomb
Elle s’écoule, elle s’étend
Elle s’étale, elle se répand.
C’est du miel, c’est du fiel
On la croit tombée du ciel
Jamais nul ne saura
Qui la lance et qui la croit
C’est bien plus fort qu’un mensonge
Ça grossit comme une éponge
Plus c’est faux, plus c’est vrai
Plus c’est gros et plus ça plaît
Calomnie, plus on nie
Plus elle enfle se réjouit
Démentir, protester
C’est encore la propager.
Elle peut tuer sans raison
Sans coupable et sans prison
Sans procès ni procession
Sans fusil ni munitions
C’est une arme redoutable
Implacable, impalpable
Adversaire invulnérable
C’est du vent, c’est du sable
Elle rôde autour de la table
Nous amuse ou nous accable
C’est selon qu’il s’agit
De quiconque ou d’un ami.
Un jour elle a disparu
Tout d’un coup, dans les rues
Comme elle était apparue
À tous ceux qui l’avaient crue
La rumeur qui s’est tue
Ne reviendra jamais plus
Dans un cœur, la rancœur
Ne s’en ira pas non plus.