La puissance de l’exemple  

Rien n’échappe à nos enfants, notre conduite, nos paroles, le ton même de notre voix, et tout petits déjà, ils nous imitent plus ou moins consciemment. Nous sommes de véritables références pour eux : « Papa a dit », « Maman a fait » ; et dans la mesure où nous voulons de bons enfants, ne sont-ils pas notre premier encouragement à la perfection ? Or, pour être de bons et saints parents, nous devons d’abord être de bons et saints époux.

 

  Pour nous y aider, nous avons nous-mêmes besoin de modèles à suivre, d’exemples de saints époux à observer. Il est fort probable que vous en ayez tous dans votre entourage, et cela est bien rassurant de voir leur bonne entente, leur affection mutuelle, leur rayonnement qui laisse entendre que cela a l’air tout simple, ou du moins réalisable ! 

 

  Voici trois grands et beaux modèles : les époux Louis et Zélie Martin, les époux René et Gabrielle Lefebvre, et les époux Luigi et Maria Beltrame Quattrocci. Ces trois ménages ont en commun d’avoir été très unis, d’avoir fondé un foyer profondément catholique, et d’avoir plusieurs vocations religieuses parmi leurs enfants puisque les Martin ont eu cinq carmélites sur cinq enfants, les Lefebvre deux prêtres et trois religieuses sur huit enfants, les Beltrame un prêtre, un moine bénédictin et deux religieuses sur quatre enfants. On pourrait penser que ces foyers devaient être de vrais petits couvents, des endroits tristes et ennuyeux. Bien au contraire, voyons ensemble ce qu’il s’y passait…

Une famille stable et unie

  C’est l’amour des parents qui créé l’atmosphère du foyer, et c’est cette atmosphère qui, dès les premières minutes de sa vie, pénètre l’enfant et compose son âme. Par la façon dont ils s’aiment et dont ils vivent, les parents enseignent ce qu’est aimer, ce qu’est le mariage. Pour un enfant, les images de l’enfance toutes centrées sur le père et la mère laissent des marques indélébiles : modèle ou cauchemar. Les souvenirs laissés par un père ou une mère qui s’aimaient noblement éclairent à jamais la conscience. La clé de l’énigme, c’est de s’aimer en chrétiens. La charité est l’âme du foyer. « La communauté ainsi fondée se trouve spiritualisée dans son essence. La sainteté, loin de dessécher l’amour, en fait une création continue, un chef d’œuvre de compréhension mutuelle, de dévouement désintéressé, de don total dans l’oubli de soi. Leur vie à deux n’est pas un égoïsme dans le mariage, mais une ascension collective dans et par le mariage. Ainsi réalisèrent ils en plénitude le plan du Créateur1. »

  Un foyer où règne le respect, où l’amour se prouve davantage qu’il ne se déclare, où la générosité entretient la gaieté, où la prière en commun nourrit les âmes et scelle l’union, est un foyer éducateur par son seul rythme, par son simple style de vie. Rien ne remplace cette péda- >>> >>> -gogie du bonheur, cette paix profonde qui récompense les vraies tendresses et qui rend supportables les peines et les souffrances.

  « Un tel amour ignore l’inquiétude et la susceptibilité. Il n’est ni ombrageux ni jaloux. C’est une force paisible, faite de confiance et de sécurité. Le mari laisse à la femme le ministère de l’intérieur, c’est-à-dire totale liberté dans l’agencement de la maison et la conduite du ménage. […] L’épouse pourvoit à tout amoureusement1. »

  La vie de prière est régulière et quasi diffuse, elle imprègne les âmes des enfants sans que l’on en parle à tout moment car ils comprennent bien que Dieu est partout et en toutes choses, qu’il les aime et les protège, mais veut des preuves d’amour en retour. Aimer, c’est se donner, et c’est aussi se vaincre pour plaire à celui que l’on aime, son conjoint, ou le bon Dieu.  Dans ces trois familles on peut dire que « les parents avaient l’âme religieuse, éloignant de leurs enfants les mauvaises influences, orientant leur piété et les disposant à vouloir, en tout, ce que Dieu veut, enfin les stimulant au sacrifice des âmes façonnées à dire « oui » au devoir1. »

  En toutes choses, ces parents-là montrent l’exemple, au travail comme dans les loisirs familiaux, dans le sacrifice comme dans les exercices de piété. « Nous avons passé quelques années de vie paisible en famille avec de bons parents chrétiens, profondément chrétiens. […] tous les matins mes parents s’y rendaient (à l’église) de bonne heure pour communier, et assister à la Messe quand ils le pouvaient2. »

 

Une affection équilibrée

  Deux aspects sont à relever dans cette éducation muette qu’est l’exemple des époux de ces trois familles : une affection et une entente mutuelles qui ont un grand retentissement sur l’équilibre de leurs enfants. « Je suis toujours très heureuse avec lui, il me rend la vie bien douce. C’est un saint homme que mon mari, j’en désire un pareil à toutes les femmes1. »

  Entre eux, ces ménages entretiennent une admiration mutuelle très épanouissante pour leurs enfants qui y puisent un réconfort propice à leur équilibre naturel autant que spirituel. « Entre eux, jamais le moindre nuage, tant est parfaite l’unité de vues. M. Martin exerce l’autorité à la façon d’un patriarche dont le caractère même impose le respect et la soumission […] Quant aux enfants, elles se sentaient enveloppées d’une affection tendre et ferme, accompagnée d’authentiques égards1 ».

 

  La désunion dans la famille met l’enfant en insécurité. Le ton de la discorde l’effraie, lui qui a un besoin profond d’unité se sent menacé. L’hésitation s’installe en lui : « Est-ce de ma faute ? ». Les parents doivent se persuader de l’influence de leur comportement sur celui de leurs enfants. Les foyers désunis, orageux, les foyers où manque une véritable union des âmes et des cœurs provoquent chez leurs enfants des conflits psychologiques. Ils établissent en eux l’insécurité et les poussent sans s’en rendre compte à chercher dans un monde factice l’épanouissement dont ils ont besoin. Personne n’est à l’abri de quelques tensions en ménage, mais que cela se fasse en dehors des enfants, et avec une volonté commune d’apaiser au plus vite et charitablement ses différends.

 

  Le foyer dans lequel les deux époux vivent de leur foi en toutes choses, pour leur amour et leur sanctification mutuels, seront récompensés dans l’éducation de leurs enfants qui deviendront leur couronne au ciel. On ne peut rien sans Dieu. Une vie religieuse profonde, les vertus théologales sont plus précieuses à l’éducateur que des compétences et des sécurités trop humaines. Par notre simple exemple, enseignons donc à nos enfants comment aimer, comment le grand et beau « oui » d’un jour peut durer toute la vie. Et puissent-ils à leur tour, prononcer un « oui » ferme et généreux devant Dieu, quel que soit le choix de leur état de vie.   

Sophie de Lédinghen

1 L’histoire de la famille Martin, Père Stéphane-Joseph Piat

2 La petite histoire de ma longue histoire, Mgr Marcel Lefebvre