Notre-Dame du Oui

La fête prochaine de l’Annonciation commémore l’humble et fervente réponse que Marie fit à Dieu : Fiat… Oui ! C’est la fête du consentement de la Vierge à l’inimaginable proposition de Dieu. C’est le oui de l’Épouse à l’Époux, le consentement joyeux et grave, par lequel le cœur se livre, cède toute la place à l’autre présence : Marie a dit oui à Dieu et le Verbe s’est fait chair en son sein. Toute la vie de la Vierge-Mère, engagée par le oui de l’Annonciation, fut une continuelle ascension d’amour, aussi est-ce bien auprès d’elle que les foyers chrétiens apprendront à prononcer une première fois, et puis toute leur vie, le oui qui est l’âme de leur amour.

C’est Marie, l’humble servante du consentement, qui apprend à leurs âmes comment on redit et comment on vit chaque jour le oui du premier jour. Le oui de Marie n’évoque-t-il pas irrésistiblement le foyer du « oui parfait » que fut la maison de Nazareth, que fut et qu’est toujours le cœur de Marie ? C’est en regardant de ce côté que les époux apprendront le secret du oui vraiment chrétien, fidèle et constant, du oui des heures d’anxiété et des heures d’allégresse, du oui qui consent à l’autre, à l’autre tel qu’il est, du oui répondu à ses demandes et parfois à ses exigences, du oui qui participe à ses joies et assume ses peines, à l’exemple même du Christ et de la Vierge de Compassion, du oui de toute abnégation, sans nulle avarice ni réticence. « Je veux apprendre avec Dieu à être cette chose toute bonne et toute donnée qui ne réserve rien et à qui l’on prend tout.» (Claudel)

Non seulement la Vierge enseignera aux époux à vivre ce mystère du oui, d’un oui toujours plénier, mais elle leur révèlera d’abord que nul ne peut dire oui, vraiment, à un autre s’il n’a pas d’abord dit oui à Dieu. C’est l’amour même de Dieu qui passe par son cœur pour rejoindre un autre cœur. Qu’il consente plus pleinement, qu’il s’ouvre plus largement et l’amour divin sera en lui une source jaillissante, intarissable. L’amour vient de Dieu, va à Dieu et ne peut vivre parfaitement qu’en Dieu. Celui qui répudie l’amour divin ignorera toujours la plénitude de l’amour humain, quoi qu’il en pense. « Les amants ne sont jamais seuls, écrit Gustave Thibon, si Dieu n’est pas en eux pour les unir, il est entre eux pour les séparer. » Et quand, aux heures sombres, ils ne voient plus la route, quand la présence divine les intimide, il leur reste de recourir à la toute proche et tendre présence de la Vierge Marie.

Le foyer aussi, comme chacun des époux, doit dire oui à Dieu. Le cœur du foyer, ce cœur nouveau, unique, issu de ces deux cœurs qui se sont donnés l’un à l’autre, doit consentir à Dieu et se donner à Lui. Alors le oui que l’amour dit à Dieu et qu’il renouvellera bien des fois, appelle ce oui de Dieu qui deviendra source de vie au foyer, fleuve de vie plus tard, et suscitera au cours des siècles un peuple d’enfants de Dieu. Parce que le foyer a dit oui, la vie est en lui et va féconder la terre, mystère tout proche de celui de l’Annonciation. La Vierge a engendré le Chef, le foyer engendre les membres. Le foyer connaît avec émerveillement qu’en joignant son oui à celui de Marie, il collabore avec elle et contribue à donner le Christ au Père et aux hommes.

Il importe toutefois de noter que les parents ne transmettent que la vie naturelle et que leur oui dit au Dieu créateur, doit être doublé d’un oui dit au Rédempteur présent en son Église. Humblement, ils doivent venir solliciter pour leur enfant cette vie divine que la paternité humaine ne peut donner, mais que l’Église possède et qu’elle communique par les sacrements, et d’abord par le Baptême.

Présenter un enfant aux fonts baptismaux, c’est l’initier au consentement, c’est le mettre déjà en disposition de oui à l’égard de Dieu. A partir du baptême, toute l’éducation de l’enfant va consister à lui enseigner le mot de l’amour.

C’est en apprenant à l’enfant à dire oui à son père et à sa mère qu’on l’initiera à cette vie de consentement aux vouloirs divins. Apprendre à l’enfant à ne pas refuser et à ne pas se fermer, lui enseigner l’obéissance alerte et joyeuse, le don de soi sans marchandage, lui faire découvrir et vivre l’allégresse du consentement à ses parents, c’est déjà l’acheminer par étapes à ces consentements que Dieu lui demandera. L’enfant est engagé dans la voie du consentement à Dieu par la docilité à ses parents. Parfois ceux-ci éprouvent une angoisse à la pensée qu’en apprenant à l’enfant à dire oui à Dieu, ils s’obligent eux-mêmes à l’avance à dire oui à ces appels de Dieu qui le leur prendra. Mais leur inquiétude s’apaise en contemplant la Vierge de l’Annonciation. Elle aussi pressentait bien qu’un jour Dieu appellerait son Fils loin de la maison de Nazareth, pour l’envoyer sur les routes de Palestine et le livrer aux foules, qu’un jour Dieu le convoquerait au Calvaire et sur le Mont de l’Ascension, et que le oui du Fils exigerait le plein consentement du cœur de la Mère.

Auprès d’elle et comme elle, les parents vraiment chrétiens comprennent que leur enfant n’est pas pour eux. Il y a fête en leur cœur, si déchiré soit-il, le jour où l’enfant, préparé par une éducation chrétienne, répond par un oui généreux à la vocation que Dieu lui signifie.

Invoquons Notre-Dame du Oui. C’est elle, cette mère consentante, s’ils la veulent intimement présente en leur demeure, qui leur enseignera le consentement et qui veillera sur leur amour.

 

Notre Dame, qui par votre oui
Avez changé la face du monde,
Prenez en pitié ceux qui veulent

Dire oui pour toujours. 
Vous qui savez à quel prix

Ce mot s’achète et se tient, 
Obtenez-nous de ne pas reculer 
Devant ce qu’il exige de nous. 
Apprenez-nous à le dire comme vous, 
Dans l’humilité, la pureté, la simplicité 

Et l’abandon à la volonté du Père. 
Demandez à votre Fils Jésus,

Que les « oui » que nous dirons après celui-là, 
Tout au long de notre vie 

Nous servent, à l’exemple du vôtre,
À faire encore plus parfaitement

La volonté de Dieu 
Pour notre salut et celui du monde entier. 
Ainsi-soit-il.