Sans la communion des saints, la cité catholique serait-elle possible ? Envisager son existence, c’est croire que dans la charité, tous les chrétiens forment un unique corps, celui dont le Christ est la tête. Et que s’y peuvent retrouver aussi bien les vivants que les morts, les jeunes que les vieux, les malades que les bien portants, les clercs que les laïcs.
Rôle de la communion des saints
La grande erreur de l’humanisme fut de penser que la commune nature des hommes pouvait suffire à créer entre eux un vivre ensemble harmonieux. Nous payons à présent le prix fort de cette imposture. Pour qu’une paix réelle et un amour juste règnent dans la cité, plus que leur nature, les hommes doivent en effet partager une substance commune, afin que s’ordonnent à une volonté unique et à une intelligence supérieure leurs volontés et leurs intelligences particulières. C’est ce bel édifice surnaturel que la communion des saints rend réel, à travers le sacrement de l’amitié spirituelle offert par Dieu : l’Eucharistie.
« On ne peut déplorer le déclin des valeurs occidentales et se refuser à son rite fondateur », écrivait autrefois dans son Journal le polémiste Léon Bloy. C’est aussi ce que souligne le psaume 128 : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent.» Le dogme de la communion des saints est donc constitutif de la cité catholique, tel que chacun d’entre nous se trouve appelé, par son baptême, à laisser Dieu la bâtir en lui et autour de lui. Ceci étant posé, si l’on observe la société actuelle de ce point de vue, on peut à juste titre s’interroger devant l’inquiétante simultanéité de deux crises : celle de l’Etat, celle de l’Eglise.
Corruption des états
France, Pologne, Irlande, trois nations jadis catholiques : un Premier Ministre (Gabriel Attal) pratiquant une forme de népotisme homosexuel en plaçant son ex-compagnon (Stéphane Séjourné) au quai d’Orsay pour la représenter sur la scène internationale dans la première ; un gouvernement fraîchement élu anéantissant toute opposition en limogeant les dirigeants des chaînes publiques et en emprisonnant l’ancien ministre de l’Intérieur ainsi que son adjoint dans la deuxième. Un prochain référendum organisé sur « l’égalité des genres » dans la troisième pour abolir toute référence « archaïque » et « sexiste » aux femmes au foyer. Dans les trois, une politique de la « santé » mettant en place une même répression du catholicisme : constitutionnalisation de l’avortement en France, et, partout, les mêmes lois sur l’euthanasie, l’égalité des orientations sexuelles, l’immigration. Mais il y a plus grave.
Décomposition de l’Église romaine
À Rome, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi encourage les prêtres du monde entier à bénir les couples « en situation irrégulière », ce qui inclut les homosexuels. Le pape lui-même approuve ce document rédigé par un cardinal ayant écrit un traité sur l’art d’embrasser. Fiducia supplicans (« Confiance suppliante ») représente ainsi un soutien implicite aux lois iniques promues par les Etats. Comment des éducateurs pourront-ils expliquer à des jeunes gens que le Seigneur réprouve un vice que son Eglise bénit par ailleurs et que des chefs d’Etat pratiquent ostensiblement ? Le pape François soutient par ailleurs publiquement le forum de Davos qui encourage le délitement des nations dans un gouvernement totalitaire mondial. Tout est ainsi inversé : plutôt que la communion des saints, c’est bien celle des malsains que les deux puissances censées garantir partout l’autorité, partout, encouragent.
Renverser l’imposteur
Tous les travaux entrepris sur l’ingénierie sociale nous enseignent que c’est d’abord dans les intelligences qu’il faut renverser l’Imposteur. Affirmer, comme le président Macron le fait, qu’il y a une crise de la fertilité française en cherchant la solution du côté de l’immigration sub-saharienne relève de l’imposture politique. Affirmer qu’il y a une crise démographique tout en constitutionnalisant le droit à l’avortement relève de l’imposture intellectuelle. Affirmer que l’oisiveté des jeunes est une cause aux émeutes est une imposture morale. Affirmer qu’on peut rétablir l’autorité à l’école en faisant porter des uniformes à des gosses déstructurés est une imposture symbolique. Cela revient à chaque fois à prendre les conséquences de la décadence française pour les causes de cette décadence afin de couvrir ses propres exactions, ses propres mensonges, sa politique réelle. Affirmer qu’il peut y avoir une souveraineté industrielle et numérique (titre de Bruno Lemaire), alimentaire (titre de Marc Fesneau) et plus généralement européenne (déclarations macroniennes), mais jamais nationale, relève de l’imposture linguistique. On pourrait à l’infini multiplier les exemples d’impostures intellectuelles pratiquées par cette caste, issue de Davos et totalement corrompue…
Des loups et des louves déguisés en agneaux, qui, sous le vernis d’une éducation pseudo bourgeoise, d’une philosophie pseudo française et d’une culture post-moderne prétendument humaniste, détruisent non seulement la nation, mais aussi la société et son avenir, la personne humaine et ses droits fondamentaux. Dans un contexte si désastreux en apparence, s’il demeure une chose à laquelle ils ne peuvent toucher ni s’attaquer, c’est bien la communion des saints. Si l’apparent triomphe du relativisme paraît signifier une forme d’omniprésence du mal dans les sociétés liquides1 post-modernes, cette dernière témoigne d’une forme de résistance absolue à ce mal. Et c’est sans doute la principale raison d’être de ce numéro, foyer plus que jamais ardent, dans un monde si glacial, que d’affirmer l’impérieuse nécessité que le Bien se fasse sentir aussi dans tous les esprits.
G. Guindon
1 Concept créé par le sociologue Zygmunt Bauman pour désigner une société où ni la famille, ni l’amour, ni le travail, ni l’amitié ne sont plus des structures solides et où l’information éphémère a supplanté l’histoire durable dans la conscience collective.