Ma chère Bertille,
Si nous nous référons à l’Evangile, saint Joseph est bien « l’homme du silence ». C’est donc le moment de te donner quelques considérations sur cet élément fondamental, essentiel de la vie spirituelle du catholique qui veut entretenir une relation vraie et sincère avec le mystère de Dieu. Ne crois pas que le silence ne soit réservé qu’aux personnes cloîtrées ; les actifs et tous ceux qui sont tenus d’avoir de nombreux contacts humains ou de grandes responsabilités ne donneront à leurs paroles et à leurs actes le juste poids de vérité et d’efficacité qu’à condition de savoir goûter et pratiquer régulièrement le silence.
Arrêter le mouvement de ses lèvres et l’agitation de ses pensées n’est que la première étape : ce n’est là que l’action de se taire.
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure1. » Ce n’est que dans le silence que nous parviendrons là où Dieu a fait en nous sa demeure. L’amour de Dieu sera suivi de cette union avec Celui qui seul peut combler le vide de notre cœur.
Le bruit, les paroles inutiles, les informations écoutées en boucle, les sonneries perpétuelles des notifications de notre téléphone et ce monde toujours en mouvement n’ont d’autre effet que de nous faire perdre de vue l’essentiel.
Certains refrains nous reviennent sans cesse à l’esprit : « Il faut regarder la vie en face », « être au courant des actualités pour savoir comment réagir », etc…
La meilleure façon de regarder la vie réelle en face est d’avoir cette confiance en Dieu et de ne regarder le monde qu’à travers le kaléidoscope de notre amour pour Lui : tout ce qui arrive, bien ou mal, est voulu ou permis par Lui et rien de ce qui nous arrivera ne sera ignoré de Lui.
Ce silence n’est pas facile à atteindre, je te l’accorde ! En effet, Dieu ne parle pas le langage de l’homme et il est difficile de sentir sa présence ; il faut s’y exercer chaque jour, lui demander cette grâce et trouver la paix dans la confiance. Dieu veut davantage se donner à nous que nous ne désirons le posséder…
Ensuite, dans le silence de ton cœur, il te faudra apprendre à écouter sa voix. C’est encore une autre étape à laquelle tu ne parviendras que si tu lui demandes avec ardeur et sans jamais te décourager.
Avec Dieu il ne faut pas se durcir, ni s’impatienter, il suffit de Lui demander ses grâces sans jamais se lasser… Lui demander la contrition de nos fautes, Lui demander de remplir notre cœur de son amour, Lui demander d’entendre sa voix…
Souvent tu me dis que tu rentres de réunion avec tes amis avec un arrière-goût de temps perdu et que tu ressens un grand vide. Ce grand vide, c’est la place de Dieu…
Parfois tu te décourages et tu trouves ce silence en Dieu inaccessible ? Utilise alors cette arme que tu possèdes si bien : le sourire ! Souris à tes qualités, à tes efforts, même s’ils sont vains, et remercie le Bon Dieu de t’avoir tout donné. Souris au Bon Dieu Lui-même, il saura changer en joie ces regards attristés sur toi-même. « La tristesse, c’est le regard sur soi, la joie, c’est le regard sur Dieu2. »
Je te laisse méditer tout cela pendant ce Carême qui commence en ce mois de saint Joseph. Et dans les moments difficiles, pense à ces échanges de regards entre saint Joseph et Notre-Dame à Nazareth. Ils n’avaient pas besoin de mots pour que leurs cœurs s’unissent dans leur amour autour de leur Fils bien-aimé.
Je t’embrasse affectueusement,
Anne
1 Evangile selon saint Jean, 14-23
2 Dom Augustin Guillerand