Honneur et fidélité

La famille passe à table chez les grands-parents. La conversation s’alimente avec des taquineries de plus en plus acides sur les occupations des uns ou les tics des autres, les tempéraments des convives, l’influence de la belle famille ou des amis… Paul aime bien prendre des positions provocatrices – c’est, soi-disant, pour montrer son indépendance d’esprit – à moins que Marine, son épouse, n’arrive à faire diversion en parlant de la pluie et du beau temps…

Ressortirez-vous heureux d’un tel repas manquant non seulement à l’harmonie et à la paix familiale, mais aussi au respect dû aux parents présents ?

Il est vrai que les dissensions ne sont souvent que le fruit de l’inadvertance, mais à force d’en répéter les actes, on en prend la mauvaise habitude, qui conduit au vice et on perd celle de la vertu.

Honorer son père et sa mère, vaste programme !

Le dictionnaire donne plusieurs sens au verbe « honorer ». Tous sont applicables pour nos parents.

Marquer son respect et célébrer : c’est parler en bien des parents, les respecter visiblement et vivre en paix avec eux autant qu’il est en notre pouvoir. Nous préférons mettre en valeur les qualités des parents plutôt que leurs inévitables défauts.

Tenir en estime : il s’agit de les écouter, les faire parler sur leur histoire et celle de la famille, s’adapter à leurs centres d’intérêts, tant que la Foi et la morale sont respectées.

Accorder de l’attention : donnons des égards de politesse, soignons notre vocabulaire et rendons service. 

S’acquitter d’une dette : nous devons aux parents le don de la vie et la satisfaction des besoins matériels dans notre jeunesse, sans oublier souvent une bonne éducation spirituelle et morale. Que donnerons-nous en échange de ces bienfaits ? Prenons donc soin de nos parents.

Saint Paul nous avertit1 : « Si quelqu’un n’a pas soin des siens, surtout de ceux de sa famille, il a renié la foi, et il est pire qu’un infidèle. » Le sujet est donc grave !

Le père de famille donne le ton

Le père de famille commencera par honorer son épouse, la mère de ses enfants, devant ses enfants et en public. Lorsqu’un père et une mère se critiquent ou se disputent devant les enfants, comment peuvent-ils ensuite prêcher l’honneur de celui dont ils viennent de montrer des défauts, réels ou supposés ? Comment seront-ils eux-mêmes respectés ?

L’autorité de la mère, s’usant naturellement lorsqu’elle est fatiguée ou lorsque les enfants arrivent à l’adolescence, a besoin du soutien du père pour être respectée. Concrètement, le père de famille devra surveiller et si besoin reprendre la manière dont les enfants parlent à leur mère, s’assurer de leur obéissance et même, dès l’âge de raison, leur apprendre à rendre service spontanément : lorsque maman est à la cuisine, on ne la laisse pas seule !

L’exemple du père de famille devra aller au-delà de ces deux points élémentaires. Le père favorisera la paix dans la famille et autour d’elle, montrera des vertus de force, de prudence et de piété de manière à être lui-même respectable.

Le père exercera en outre une influence très bénéfique s’il s’intéresse à transmettre l’histoire de la famille, les racines du pays et de sa région, les traditions familiales ou locales, et bien sûr la foi et la culture chrétienne : honorer ses père et mère, c’est aussi honorer ses ancêtres et tous ceux dont nous sommes les héritiers par le sang, par la foi ou par adoption.

Que faire si les relations avec les parents sont compliquées ?

En cas de désaccord visible et important sur la Foi ou la morale, la priorité sera la protection des enfants et de leur éducation, et celle de notre propre ménage. Il faudra expliquer calmement aux grands-parents que ces sujets de Foi ou de morale sont essentiels pour nous et que nous souhaitons la cohérence dans l’éducation de nos enfants. Si les grands-parents jouent le jeu, la situation sera plus facile que dans le cas contraire où il faudra prendre quelques distances.

S’il s’agit de désaccords de tempérament ou d’habitudes de vie, des gâteries excessives envers les enfants par exemple, une communication paisible et positive sera importante. En reconnaissant l’intention positive des parents mais en rappelant nos souhaits d’éducation, nous chercherons à trouver un compromis acceptable pour les moments où nous côtoierons les grands-parents. 

Dans tous les cas, la règle d’or est que chacun des conjoints règle ces sujets en direct et en privé avec sa propre famille. Se mêler de sujets sensibles avec sa belle-famille est le meilleur moyen de compliquer les situations !

Quelles que soient nos relations et même dans les situations compliquées, il est toujours possible d’honorer ses parents de multiples manières :

1 : Pardonner leurs erreurs du fond du cœur. Même si les parents sont morts, pardonner réduira la peine de Purgatoire qu’ils auront à souffrir.

2 : Remarquer et apprécier ce qu’ils ont fait de bien.

3 : Garder le contact : donner des nouvelles de notre famille, envoyer quelques photos même si nous n’avons pas de retour, écrire ou téléphoner, les écouter ou poser des questions, nous manifester pour un anniversaire ou une fête…

4 : Accomplir des actes de bonté, sans chercher de retour : ménage, bricolage ou petites courses, assistance dans leurs besoins. Si la santé physique ou psychologique des parents décline, s’ils sont en grande difficulté financière, nous ne pourrons pas toujours assurer le soutien nous-mêmes, mais au moins, nous pouvons trouver des aides, solliciter l’assistante sociale ou la commune, la conférence Saint-Vincent de Paul…

5 : Prier pour eux, vivants ou morts. Ce n’est jamais du temps perdu !

6 : Se soucier de leur santé spirituelle avec délicatesse : parler de la Foi, de la prière à la Sainte Vierge, de la vie éternelle, des sacrements lorsque l’occasion se présente. A l’approche de la mort, la dévotion au scapulaire vert peut aider dans les cas difficiles.

7 : Apprendre aux enfants à honorer leurs grands-parents : leur faire envoyer des dessins ou des lettres, témoigner leur affection et leur politesse lorsqu’ils les voient….

Saint Thomas d’Aquin nous enseigne que « la prudence veut que nous ayons pour règle ordinaire de diriger nos bienfaits non vers les hommes qui sont plus vertueux, mais vers nos proches ». Nos amis tiennent la première place, mais après nos parents !

Hervé Lepère

1 Timothée 5,8