Le Besoin de se donner

Ma chère Bertille,

Merci pour ta lettre avec toutes ces bonnes nouvelles et la description de ta nouvelle vie d’étudiante. C’est un nouveau rythme à prendre, seule dans cette grande ville à devoir régir ta vie, seule catholique dans ton université, seule face à Dieu pour faire sa Volonté. Il te faut prendre des résolutions adéquates pour Le suivre et ne pas perdre tes bonnes habitudes et tout ce que ta famille et les bonnes écoles t’ont transmis jusqu’ici.

Je vois que tu portes intérêt à tes études et je t’encourage à acquérir ce métier que tu devras peut-être exercer. Mais je vais essayer de répondre à tes interrogations : « D’un côté, je suis attirée par le monde, les invitations, la belle vie, mais d’un autre côté je sens en moi le désir de me donner, de consacrer ma vie à un bel idéal… »

– Tu rêves d’idéal : Mariage, vocation religieuse… ? Ces deux voies demandent le don de soi renouvelé chaque jour, chaque minute même parfois, car la vie n’est pas facile tous les jours. Mais ce bel idéal pour le moment n’a pas encore pris forme. La vie d’étudiante est un temps de préparation. Regarde les sportifs qui se préparent à leurs courses, ils se privent de beaucoup de choses, font d’énormes efforts pour y arriver. Ils ne peuvent se présenter sans un minimum d’entraînement. Pour la jeune fille c’est pareil. Elle doit se préparer à sa vocation de femme par un entraînement continuel.

« A quoi bon la vie, sinon pour la donner ? » murmure Violaine avec ferveur dans l’Annonce faite à Marie de Claudel.

La nature de la femme est faite pour le don de soi. La maternité physique en est bien la preuve. Tout le corps de la femme est fait pour donner la vie, et il est normal que ces élans de générosité rejaillissent en toi.

Je t’entends me dire : « mais en attendant  se donner à quoi ? Je n’ai pas de mari, d’enfants ou de couvents ? »

– A ton devoir d’état d’abord ! C’est le plus beau don de soi et le plus facile. Pas besoin d’aller chercher loin. Il se répète chaque jour. Bien étudier tes cours, prier chaque jour, faire les tâches de la vie courante. Crois-moi c’est la plus belle préparation que tu puisses faire pour te préparer à ta vie future. Et en même temps c’est la plus difficile car c’est toujours la même chose qui se répète, la routine s’installe. La vie de la Sainte Vierge n’avait rien d’extraordinaire à Nazareth. Elle s’est occupée de sa maison, de sa cuisine, de son ménage et de son repassage. Et pourtant ses actions avaient une valeur infinie car  elle s’est donnée totalement : donnée corps et âme. Rien de grand ne se fait sans effort persévérant.

A côté du devoir d’état, tu as besoin de te donner plus particulièrement aux autres. Et là le monde nous propose diverses occupations qui épanouissent la jeune fille parce qu’elle s’oublie pour faire du bien aux autres : mouvement de jeunesse, apostolat (MJCF, Milice de Marie), s’occuper des enfants malades dans les hôpitaux, gardes d’enfants, faire du soutien scolaire… bref les occupations peuvent être variées selon tes préférences. Et toutes ces petites actions te prépareront à donner de ton temps, à te pencher vers la misère humaine, à écouter, à éduquer et c’est dans ces moments que tu trouveras la joie et la paix.

C’est toujours le premier pas qui coûte mais ensuite la saine joie nous envahit car il y a la satisfaction d’avoir fait un peu de bien, d’avoir donné son temps pour les autres.

Combien de jeunes filles se lancent avec frénésie dans la vie mondaine. Elles ne pensent qu’à leur plaisir et satisfaction personnelle, et le jour où elles sont mariées l’atterrissage est difficile.  Elles ne sont pas habituées à la solitude, à l’abnégation, elles trouvent la routine bien difficile et cherchent des compensations multiples pour y échapper. Mais  elles manquent terriblement à leur devoir d’état.

Alors ma chère Bertille tu sais ce qu’il te reste à faire. Fuis toute cette vie mondaine, et donne-toi avec générosité. La récompense sera à la hauteur de ton don. Le bon Dieu voit toutes tes bonnes œuvres et surtout tes intentions.

Je te souhaite une bonne continuation et t’embrasse bien affectueusement.

 Maïwenn