Tandis que notre jeune foyer est en plein essor avec des responsabilités familiales et professionnelles de plus en plus importantes ; nos parents ont une vie qui se ralentit physiquement, quoique souvent encore dynamique et généreuse, et leur retraite est proche (si elle n’est pas déjà effective). Nous sommes pleins de projets, encore fougueux dans nos actions et réflexions…eux prennent du recul sur les événements de la vie passée et ont acquis ces forces sécurisantes que l’on nomme « expérience et sagesse » …
Une fois encore nous constatons avec émerveillement cet équilibre que Dieu a bien voulu apporter à chaque famille dans les différentes générations qui la composent. Savons-nous laisser grandir nos enfants en profitant de ces différences ? Quels grands-parents leur donnons-nous ?
En effet, le rôle des grands-parents de nos enfants ne dépend pas seulement d’eux…mais aussi de la place que nous leur accordons ! Alors, sont-ils : nounous, gardiens, repères, obstacles, sécurité, contraintes, câlins, autorité, règles, soutien, équilibre, tradition, savoir… ?!
De nos jours beaucoup de grands-parents sont égoïstes, encore en forme et assez libres pour voyager, voir des amis, faire du sport… ils refusent les contraintes auprès de leurs petits-enfants. De notre côté nous pourrions avoir la tentation de nous appuyer démesurément sur nos parents en leur confiant nos enfants dès la moindre occasion de s’échapper, d’être soulagés…Cela n’est pas un dû, nos parents doivent pouvoir nous dire « non » si la fatigue est là, mais pas par égoïsme.
Même devenus parents, nous avons encore besoin de la présence et des conseils de nos propres parents. Dès la naissance de son enfant, la jeune maman sent le poids d’une responsabilité nouvelle et se tourne vers sa mère qui lui redonne confiance et l’aide à voler de ses propres ailes. S’il n’y a pas ce soutien, elle se sent abandonnée. Les grands-parents doivent être à la hauteur en prouvant le lien d’affection qui les unit à leurs enfants devenus parents à leur tour. Soutien affectif, comme spirituel, matériel et physique.Avec le temps les liens entre grands-parents et petits-enfants se solidifient, de petits rituels s’installent entre eux et la transmission se fait doucement…
Le grand danger serait que les parents prennent ombrage de ce rapprochement grandissant : plus de disponibilité, des activités plus attrayantes, plus de temps à donner, une aisance financière, peuvent entraîner une jalousie des parents qui entrent alors dans une certaine compétition. Il faut refuser d’entrer dans la comparaison mais accepter cette complémentarité. Un grand-père musicien développera une complicité en faisant découvrir le son des instruments et les compositeurs…une grand-mère montrera son potager et entraînera ses petits-enfants à la cueillette des légumes arrivés à maturité…Ils ont un temps que nous n’avons pas et le donnent si bien à nos enfants ! Ils trouvent les bons moyens d’élever leurs esprits et leurs âmes à tout propos…quel soutien dans notre éducation ! Le petit dernier s’est lâché à vélo avec son grand-père…et après ?! les parents doivent prendre du recul.
Inévitablement les parents s’inspirent des grands- parents dans leur éducation, imitant ce qu’ils ont admiré et rectifiant ce qu’ils pensent améliorer…chacun va puiser dans son héritage d’éducation pour transmettre à son tour les valeurs reçues. Et si nous envions parfois le rôle des grands-parents, considérant que notre rôle à nous est plus difficile, c’est bon signe ! Cela veut dire que nous n’avons pas abdiqué dans notre rôle d’éducateurs et sommes « maîtres à bord », sans que cela empêche de merveilleux moments avec nos enfants. Le reste du temps nous répétons, disons « non », rappelons à l’ordre, mettons en garde…c’est notre rôle. Profitons alors des encouragements de nos parents auprès desquels nous n’hésiterons pas à nous épancher et quérir les fruits de leur expérience qu’ils transmettront avec bienveillance si nous avons su leur laisser leur vraie place auprès de nous, comme auprès de nos enfants.
Puis les grands-parents vieilliront, leur santé déclinera…et peut-être que leur caractère s’aigrira un peu, surtout dans la maladie. L’affection, si elle est solide, demeurera et forcera un respect de nos enfants pour leurs grands-parents diminués et peut-être moins attirants qu’auparavant. Nous mettrons un point d’honneur à leur donner l’exemple en évitant moquerie ou humiliation… (il arrive cependant que quelques situations cocasses autorisent un amusement collectif !).
On encouragera toute la famille à faire en sorte que les grands-parents âgés se préparent le plus saintement possible à rendre leur âme à Dieu. En priant pour eux, bien sûr, mais aussi en ayant avec eux des conversations, des lectures, des prières communes afin de mieux les prédisposer, et en veillant à ne pas les irriter ou contrarier pour des détails matériels sans importance.
Et quand ils ne seront plus auprès de nous, nous resterons unis par la prière, les invoquant dans nos peines ou difficultés, faisant dire des messes pour le repos de leur âme. La date anniversaire de leur décès peut être une bonne occasion de réunion de famille après une messe à leur intention.
Ces merveilleux liens tissés au fil des années seront alors maintenus, même avec l’au-delà, et l’on prendra plaisir à se remémorer ce que les grands-parents nous avaient appris ou ce qu’ils auraient dit ou fait à notre place…ainsi se poursuivra la transmission…
Sophie de Lédinghen