Que faisiez-vous, Vierge Marie quand l’Ange vous apparut ? Saint Luc rapporte que l’Ange entra « où vous étiez ». Nombreux sont les peintres qui vous ont représentée en prière, mais je préfère vous imaginer, occupée à vos besognes journalières. Vous aussi vous cousiez, vous faisiez les repas, vous laviez le linge car « les âmes pures portent en elle-même leur sanctuaire où la voix de Dieu peut se faire entendre. »
Dans votre humilité vous avez été troublée par les paroles de l’Ange Gabriel (quelle leçon pour nous qui aimons tant les compliments et qu’aucun ange ne vient rassurer !) ; et c’est alors que le grand message, celui que nous attendions « depuis plus de 4000 ans » vous fut révélé. « Voici que vous concevrez en votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. »
Mais vous, qui dans un grand amour avez voué à Dieu votre virginité, vous osez, sans timidité, émettre l’objection qui vous vient immédiatement à l’esprit : « Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais point d’homme ? »
Alors vous entendez l’explication du grand mystère : « L’Esprit-Saint viendra sur vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. »Vous n’avez plus qu’à vous incliner et à répondre avec la simplicité joyeuse et tendre d’une âme qui est toute livrée d’abandon envers son Divin Créateur, pour les petites choses comme pour les grandes… : « Je suis la servante du Seigneur… »
Et me voilà, avec mon chapelet aux doigts à vous regarder, Vierge Marie… Quelle leçon tirer de ce passage de l’Evangile si ce n’est à dire « oui », encore « oui » et toujours « oui » ! Vite et joyeusement, à tout ce que Dieu m’enverra aujourd’hui.
Je sais ; il y a les tentations : si souvent au milieu des incohérences, des difficultés, des contrariétés, j’ai envie de penser que la vie était mieux avant ; que je serais mieux à ma place ailleurs… Si, si, si… Si mon mari pouvait, si mes enfants étaient, si j’avais…Et je laisse la « folle du logis » construire des châteaux en Espagne… jusqu’à ce que je retombe douloureusement sur la réalité !
Âme de peu de foi ! « Je t’apprendrai à aimer » avez-vous dit à Sainte Véronique Giuliani. Apprenez-moi, ô Mère… Je n’ai pas eu un ange Gabriel pour me révéler que ma destinée avec ses tâches humbles, répétitives et difficiles me venait directement du Seigneur, mais n’ai-je pas la foi pour éclairer ma route ? Vous savez bien, ô Marie, que ce n’est pas la hauteur de la tâche qui nous grandit mais la ferveur avec laquelle nous l’accomplissons.
Pour être féconde et heureuse, la vie ne doit pas être à la recherche de notre orgueil, de nos jouissances, de notre égoïsme, mais une collaboration ardente et joyeuse avec la volonté du Père : « Vous me voulez ici, me voici pour faire mon devoir, qu’il me plaise ou non ! ou plutôt, il me plaira si je sais voir, derrière lui, le visage de votre amour paternel, qui l’a fait à ma mesure.
Peut-être qu’il m’arrive de temps en temps de dire : Comment cela est-ce possible ? j’ai un cœur de mère et je n’ai pas d’enfant ? j’ai une nombreuse famille et une santé déficiente ? mais il faut conclure par un acte de foi et d’adhésion joyeuse à la volonté de Dieu : Oui ! Non pas un oui maussade du bout des lèvres, ou arraché par la force de la volonté, mais un « oui » de confiance, de générosité totale, d’abandon entre les mains de Dieu qui connait mieux mes besoins que moi. Ma vie sera féconde autant que je mettrai de ferveur dans cette adhésion : « non pas ma volonté, mais la vôtre ! »
Si vous me confiez une grande tâche, je la ferai mais aujourd’hui j’accomplirai mon devoir quotidien de tout mon cœur comme la maman de Péguy qui « rempaillait les chaises du même amour et du même cœur que nos aïeux bâtissaient les cathédrales »
La beauté du destin de mon âme est de « faire les choses petites comme grandes à cause de la dignité de Celui qui les a fait en nous »[1]
Au moment où je dis « oui » ardemment à la volonté de Dieu, ma vie prend sa signification surnaturelle et Dieu vient en moi. « Car quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère » a dit Notre-Seigneur[2].
Ainsi toute ma vie est transformée ! Et ce qui ne me paraissait qu’une suite incohérente et contradictoire de petits et grands tracas qui m’empêchaient d’avancer me permet maintenant d’accomplir la vue de Dieu sur moi. Toutes ces petites contrariétés quotidiennes qui me font ronchonner: ce lait qui déborde, cette enfant qui a pleuré cette nuit dans ses rêves et a réveillé toute la famille, cette amende de stationnement que j’ai reçue ce matin, ces « corvées » journalières qui se répètent inlassablement… sont des occasions de dire « oui ». Elles sont des messages pour ma foi, ma patience, ma générosité, mon humilité, mon dévouement…
« Les événements… ces maîtres que Dieu nous donne de sa main » écrit Bossuet. Les imprévus, les nécessités… les voilà mes anges Gabriel… Si je sais regarder toutes choses avec les yeux de la foi, chaque matin et au fond de mon cœur, je pourrai dire un « oui » plein d’amour ! « Tout ce qui arrive est adorable [3] » disait Léon Bloy.
Et cela va donner une dignité infinie à ma vie de femme ! Je suis passée du monde des événements accidentels du destin avec toutes ses difficultés quotidiennes à celui de la noblesse d’être « fille de Dieu ».
O Marie, O ma Mère, obtenez-moi la grâce de ce « oui » généreux qui transformera ma vie !
D’après Paula Hoesl
[1] Pascal
[2] Saint Marc 4,35
[3] Journal, 8 juin 1895