Ma chère Bertille,
Tu m’as confié que des sentiments contradictoires agitent ton cœur dernièrement et que, sans coup férir, tu passes de la joie intense à la tristesse soudaine. Tu m’écrivais que tu as bien conscience que ces mouvements brusques et contradictoires sont dus aux nombreuses interrogations qui s’entrechoquent dans ton âme lorsque tu penses à ton avenir et que tu envisages ta possible vie future comme épouse et mère.
Tu te demandes si tu pourras un jour connaître la joie d’aimer et d’être aimée, alors que tu ressens déjà profondément dans tout ton être les appels joyeux à la maternité.
Ces interrogations sont bien légitimes et ne devraient pas prêter le flanc à l’inquiétude, mais tel un mauvais lierre qui s’agrippe à l’arbre et le vide de sa sève, des questions lancinantes tournent en boucle dans ton âme. Elles t’entraînent dans une spirale malsaine et t’empêchent de regarder paisiblement l’avenir qui s’ouvre devant toi. En un mot, elles t’enferment et t’asphyxient.
Tu m’écrivais que tu ne pouvais en effet t’empêcher de te demander constamment si tu rencontreras un jour un homme qui saura t’aimer et t’apporter la sécurité à laquelle tu aspires. Et puis, tu t’interroges pour savoir si tu sauras le comprendre et le rendre heureux ; les garçons te semblent parfois si difficiles à cerner. Tu aimerais savoir comment être sûre que vous serez faits l’un pour l’autre. Et de manière plus générale, tu en viens à te demander si aimer n’est pas un leurre ou tout simplement un mensonge !
Dans nos prochains échanges, je me propose de jeter sur le papier quelques considérations sur cette belle et noble réalité qu’est l’amour souvent mal comprise, parfois déformée voire même profanée.
Aussi grâce au rythme lent de la plume allons-nous aborder ces questions essentielles, tâchant d’y mettre un peu d’ordre. Dans un premier temps, afin d’éviter de nous éparpiller, j’aimerais fixer le cadre de notre promenade épistolaire en me contentant de dessiner le pourtour de cette vaste question de l’amour. Question essentielle qui touche tant de domaines variés qu’il est aisé de s’égarer dans ces dédales où les questions du rôle de l’attirance, des sentiments, de la volonté et de la grâce s’enchevêtrent comme à plaisir. Nous reviendrons sur chaque d’entre elles, car toutes méritent un développement.
Pour l’heure, et de façon volontairement un peu schématique, j’aimerais t’exposer comment je compte procéder. Permets-moi donc de te faire parvenir l’ébauche de mon plan que je modifierai au gré de tes remarques afin que nous cheminions de concert.
- L’homme est créé pour aimer. Mais parce qu’il est composé de chair et d’esprit, il doit faire effort pour unifier attirance, sentiments et volonté qui tirent chacun dans un sens bien différent. De plus, l’amour est une réalité complexe qui demande à être analysée afin de savoir de quoi nous parlons vraiment. Faute de faire ces distinctions nécessaires, beaucoup se trompent sur la nature même de l’amour et se brûlent les ailes.
2 .Peut-on parler vraiment d’amour lorsqu’il n’y a qu’une attirance ? N’est-ce pas réduire l’amour à un vil intérêt personnel ?
- Il semble évident qu’amour et égoïsme ne font pas bonne pair. Comment se fait-il alors que souvent l’amour passionné fasse tomber l’homme dans un égoïsme éhonté ? Nous toucherons là à la question du plaisir qui se revêt des oripeaux de l’amour.
- L’amour est-il un mouvement de la volonté, le fruit d’un choix conscient ou une passion plus forte qui nous entraîne et nous enchaîne ? Lorsque nous aimons, le dernier mot doit-il être laissé au cœur ou la raison a-t-elle encore un rôle à jouer ? L’amour n’est-il qu’une flamme romantique ou une école de vie à l’ombre du sacrifice et de l’oubli de soi ? L’amour doit-il être réduit à une envolée sentimentale ? N’est-il pas au contraire un chemin de crêtes qui mène aux sommets ? Comme tu le devines, la question du bonheur sera au centre de notre recherche, car l’amour est davantage une recherche du bien de l’autre qu’une recherche de soi.
- Est-il digne de parler d’amour à propos de Dieu ? L’amour qui est au centre de la vie humaine, n’est-il pas aussi un sentier qui mène à Dieu ? Certains auteurs, et non des moindres, parlent d’amitié entre Dieu et l’homme : qu’est-ce que cela recouvre ? Est-il vraiment possible de parler d’amour entre Dieu et l’homme lorsque la nature divine et la nature humaine sont si différentes ? Si l’amour entre Dieu et l’homme est une réalité, en quoi aimer Dieu et se laisser aimer par Lui peut influencer en profondeur l’amour humain et lui donner son sens profond ?
Tu le vois, les questions sont nombreuses et il nous faudra y répondre pour saisir ce qu’est l’amour et la place qu’il doit occuper dans notre vie. Bien simplement, dans la clarté et la joie, nous allons explorer ensemble ces chemins de vie qui nous mènent à Dieu.
En attendant de recevoir tes remarques et, très certainement, d’autres questions concernant ce noble sujet, je te redis toute mon affection et je t’embrasse…en signe d’amitié !
AZILIZ