À l’heure où la guerre de l’information fait rage, l’expression biblique « La Bonne Parole » prend tout son sens. Dans la cité malade, quelle est la bonne Parole ? Où se trouve la bonne information ?
Quand on sait à quel point un être humain est constitué des informations qu’il emmagasine, aussi bien sur un plan génétique, biologique qu’émotionnel ou intellectuel, on saisit pourquoi, depuis le Commencement, la guerre eschatologique se déroule essentiellement sur ce terrain, crucial, de la parole. Et l’on comprend pourquoi toutes les forces politiques et financières contemporaines concentrent leurs efforts maléfiques sur ce terrain privilégié de l’information.
Mais il y a Parole et paroles. L’une, la Parole de Dieu dit la Vérité sur Sa Création. L’autre, la parole du père du mensonge essaie de la travestir, de la trafiquer, de la subordonner, de la détruire.
Il faut, vous dira-t-on, sauver l’économie. Sauver la République. Sauver la démocratie. Sauver la France. Sauver la famille. Sauver l’homme. Sauver la planète… Sauver, sauver, sauver… Ils voudront bientôt sauver Dieu Lui-même… Jamais pourtant, tous ces sauveurs de fête foraine vous parleront de sauver votre âme.
« L’homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur », rappelle dès l’ouverture de ses Exercices Spirituels saint Ignace de Loyola. « Et, par ce moyen, sauver son âme… »
Dans la cité malade, il n’est pour l’âme qu’un Sauveur, c’est Jésus-Christ, Fils du Père dans l’Esprit.
Tous ces sauveurs si pressants feraient bien de se souvenir que derrière chacune de leurs initiatives, le vieux serpent les a toujours attendus pour les mordre plus profondément encore, au cœur de leurs illusions et de leurs utopies. Le vieux serpent qui ne songe qu’à perdre, jamais sauver.
Perdre son âme, c’est égarer dans le commerce avec le monde l’usage de ses trois principales facultés qui sont, comme le rappelle sainte Catherine de Sienne dans cette magnifique oraison, la mémoire, l’intelligence, la volonté :
Dans ce jardin intérieur,
était enfermé l’homme, ô Père éternel.
Tu l’as extrait de ta pensée
comme une fleur à trois rameaux,
qui sont les trois facultés de l’âme :
mémoire, intelligence et volonté1.
Notre mémoire, en tant que faculté vivante de notre âme, sert à entretenir, par la prière et l’oraison, la Memoria Dei au plus profond de notre être. L’intelligence nous a été donnée pour comprendre la nature trinitaire de Dieu, par l’étude, la lecture et la méditation, afin d’échapper à toute forme de propagande ou de divertissement venus du dehors. Notre volonté nous engage à désirer louer et servir Dieu, à recevoir ses sacrements, à espérer le Ciel plutôt que d’attendre le bonheur de la terre, à prier pour la persévérance finale, pour soi et pour les siens…
Si nous comprenons que nous sommes sur Terre pour sauver notre âme, alors ne souillons pas notre mémoire, notre intelligence et notre volonté. Remplissons notre devoir d’état tout en les gardant sauves de tout commerce adultère avec cette société. Comprenons que sauver son âme revient tout simplement à ne pas la perdre, c’est à dire détourner notre consentement intérieur de tous les experts en damnation dont l’unique préoccupation est d’égarer notre mémoire, de corrompre notre intelligence et d’anesthésier notre volonté.
C’est un combat avant tout intérieur, quotidien, qui engage toute notre âme, et dont Jésus-Christ, notre Seul Seigneur et notre unique gouvernement, nous assure qu’il est déjà gagné dès lors que nous plaçons en Lui notre espérance et laissons agir sa Charité. C’est un combat extérieur, ensuite, qui nous oblige à affiner chaque jour notre discernement pour démêler le vrai du faux dans l’information dont la société nous abreuve jusqu’à la nausée. Alors seulement peut commencer un combat politique vraiment éclairé, parmi la multitude des débats, des leçons, des plaintes, des mensonges répandus par le monde, sur les pages de ses magazines, ses affiches, ses écrans…
Car la seule nouvelle qui pèse est celle de Jésus-Christ-Rédempteur, la seule vraiment nourrissante dont il vaille la peine de distinguer la présence, afin d’ajuster au mieux à elle-seule nos comportements parmi nos semblables, nos prochains. La Parole faite chair, et non l’information.
Roland Thévenet