Parce que nous sommes reconnaissants à Dieu de cette magnifique nature qu’Il a créée, ne devrions-nous pas emboîter le pas au mouvement écologique et considérer que le « respect de la nature forme un socle intellectuel et émotionnel sur lequel tous peuvent s’accorder : autant le croyant, respectueux de l’œuvre divine, que l’incroyant, saisi par la majesté et la beauté de la nature » ? N’est-ce pas d’ailleurs la caution que lui accorde le pape François à travers son encyclique « Laudato Si » ou son synode sur l’Amazonie ?
Derrière le rideau de verdure attirant de l’écologie, il nous faut en réalité manifester que se dissimule une idéologie hostile au dessein de Dieu sur la place qu’Il a réservée à l’homme dans sa création et à Dieu Lui-même. Elle s’en prend d’abord aux deux commandements faits à l’homme de se multiplier et de dominer la nature et elle s’insurge plus profondément encore en refusant la conception de l’homme comme image de Dieu et en militant pour son option panthéistique. C’est ce que nous souhaitons brièvement exposer en montrant, à chaque fois, l’appui qu’elle reçoit de François.
I – Le rejet des injonctions divines de se multiplier et de dominer la nature
A) Ecologie et malthusianisme
Les mises en garde se sont multipliées : « Dans le monde entier, nombre des ressources indispensables à la survie et au bien-être des générations futures s’amenuisent et la dégradation de l’environnement s’intensifie, sous l’effet des modes de production et de consommation non viables, d’une croissance démographique sans précédent et d’une pauvreté généralisée et persistante et de l’inégalité sociale et économique1 » En présence de cette situation, l’écologie affirme son malthusianisme et tire toutes ses ficelles de mort à l’échelle planétaire : contraception, avortement, euthanasie, stérilisation, planification des naissances, etc.
Le surpeuplement de la planète doit être conjuré par une fermeture drastique à la vie qui s’oppose frontalement à la grande invitation divine que Dieu fait à Adam et Eve d’être féconds et de se multiplier : « Soyez féconds, multipliez-vous et remplissez la terre2. »
Une telle incitation à la procréation est jugée avec une extrême sévérité par le sanhédrin verdâtre qui y voit l’origine de l’irresponsabilité avec laquelle les générations qui se sont succédé sur la terre ont augmenté le nombre des rejetons de la race humaine sans se préoccuper des ressources de la planète. Le Dieu de la Genèse se trouve explicitement mis en accusation par plusieurs conférences internationales des grands organismes mondialistes.
Comme on l’a vu dès le synode sur la famille, le pape François est entré lui-même dans cette sérénade. En particulier, il a compromis l’enseignement de l’Église à propos du contrôle artificiel des naissances dans l’« Instrumentum Laboris3 » et a proposé une approche erronée de la relation entre la conscience et la loi morale.
B) Ecologie et domination de la terre par l’homme
La vindicte des écologistes ne rend pas seulement la Genèse responsable de la surpopulation mais également de la mise à sac de la nature par l’homme. Le parterre des verts stigmatise cette fois-ci le deuxième grand commandement de Dieu à nos premiers parents : « Soumettez la terre et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui rampent sur la terre4. » L’inconscience de Dieu n’a pas su prévoir les conséquences déplorables de cette autorité qu’Il conférait aux hommes. Cette rhétorique trouve également place depuis des décennies dans les textes les plus officiels et les plus solennels. Voilà, par exemple, ce que l’on peut lire dans la conférence sur l’environnement de Stockholm organisée par l’ONU, en 1972 : « La science et ses applications techniques qui feraient de l’homme le maître de l’univers, usant et abusant à sa guise des ressources naturelles, deviennent souvent valeur en elles-mêmes. (…) Ces conceptions puisent leur meilleure justification dans les convictions religieuses judéo-chrétiennes, selon lesquelles Dieu aurait créé l’homme à son image et lui aurait donné la terre pour qu’il la soumette à sa loi5. » Dans cette citation, la critique va au-delà de l’imprudence avec laquelle Dieu aurait concédé à l’homme ce gouvernement sur la Création. Elle s’en prend, plus profondément, à la conception de l’homme qui aurait été créé à l’image de Dieu.
Notons que, de nouveau, François fait chorus dans son encyclique « Laudato Si ». Les chrétiens auraient tiré de la Genèse la pensée qu’ils peuvent tout se permettre avec les créatures : « S’il est vrai que, parfois, nous les chrétiens, avons mal interprété les Ecritures, nous devons rejeter aujourd’hui avec force que, du fait d’avoir été créés à l’image de Dieu et de la mission de dominer la terre, découle pour nous une domination absolue sur les autres créatures6. »
II – Le rejet d’un Dieu spéciste et l’option panthéistique
A) Ecologie et spécisme
Le terme « spécisme » est péjoratif. Il a été élaboré pour dénoncer la valorisation et la précellence d’une espèce sur les autres. Il sert à condamner tous ceux qui ont jusqu’ici pensé que l’espèce humaine se trouverait au sommet de la hiérarchie de toutes les espèces animales et à intimider ceux qui conserveraient encore une telle conception de l’univers. La transformation des mentalités est très largement due à l’imposition de la théorie de Darwin car « l’existence de l’âme ne saurait être compatible avec la théorie de l’évolution. L’évolution est synonyme de changement et ne saurait produire des entités éternelles7». Rien ne distingue donc essentiellement l’être humain de tout organisme vivant et ne saurait lui conférer des droits qui ne seraient pas ceux de tous.
Mais, à qui la faute si l’homme s’est estimé non point partie intégrante de l’écosystème mais supérieur à lui ? Au Dieu de la Genèse évidemment comme le rapporte l’UNESCO : « Les écologistes critiquant la Genèse ont soutenu que, puisque selon ce livre, l’homme est créé à l’image de Dieu, qui lui a donné de dominer sur la nature et lui a ordonné d’assujettir la terre, la Genèse confère manifestement à l’Homme un droit venant de Dieu d’exploiter la Terre sans restriction morale (sauf quand l’exploitation de l’environnement peut affecter l’homme lui-même). L’essence de l’homme, unique parmi les créatures, et faite à l’image de Dieu, confère à l’homme des droits uniques et des privilèges parmi les créatures8. »
On le voit, ce qui est en cause, c’est bien l’homme, image de Dieu, l’homme, distingué parmi les autres vivants, l’homme qui devient ainsi le dieu de la Création. Le haro est prononcé contre cette théologie monothéiste qui a placé l’homme sur un piédestal, piédestal du haut duquel, il a piétiné les espèces qu’il estimait inférieures à la sienne.
La théologie de François ne dénie pas à l’homme d’être « image de Dieu » mais accorde à tous les êtres d’être habités par le Christ : « Le Christ a assumé en Lui-même ce monde matériel et à présent, ressuscité, Il habite au fond de chaque être, en l’entourant de son affection comme en le pénétrant de sa lumière9. » En cette grave confusion entre le monde naturel et le monde surnaturel, François hisse les créatures non-humaines au niveau des créatures humaines en état de grâce :elles seraient habitées par le Christ et se trouveraient ainsi sur pied d’égalité avec elles.
B) Ecologie et panthéisme
On ne s’en étonnera pas : ce Dieu est rejeté comme criminel et les écologistes couvrent au contraire de louanges le panthéisme.
Voilà par exemple, la comparaison esquissée par Harari – considéré comme premier intellectuel de la planète – entre le « cosmos animiste » et le « cosmos théiste » : « Dans le cosmos animiste, tout le monde dialoguait avec tout le monde. Si l’on avait besoin de quelque chose de la part du caribou, des figuiers, des nuages ou des rochers, on s’adressait directement à eux. Dans le cosmos théiste, toutes les entités non humaines ont été réduites au silence10. » Pour quel motif ont-elles été réduites au silence ? Parce que Dieu ou les dieux en ont fait « le héros central autour duquel tourne tout l’univers11 ». Et c’est à cause de cette conception véhiculée par le « cosmos théiste » que l’homme s’est cru tout permis et a saccagé la terre.
Aussi le changement de paradigme des Verts exige-t-il l’éradication de cette vision religieuse qui passe de l’Ancien au Nouveau Testament et fait de l’homme le roi de la création sur terre. L’antispécisme des Verts, très largement tributaire de la thèse darwinienne, considère l’espèce humaine comme une parmi les autres, n’ayant que le droit de s’intégrer dans la nature sans avoir la prétention de la dominer. Il s’accommode parfaitement avec le panthéisme qui attribue à chaque être vivant une part de divinité.
Parce que tout est sacré autour de lui, l’homme doit changer son regard sur son environnement : « Il y a une correspondance entre la vision du monde écologique et la vision du monde de la pensée hindoue. L’écologie se représente également le monde comme une unité, c’est-à-dire holistiquement – considérant l’unité existant entre un individu et son environnement. Ainsi deux éléments majeurs de l’hindouisme contribuent au développement d’une éthique universelle de l’environnement : l’empathie et la compassion envers toutes les formes de vie et un sentiment d’harmonie avec l’environnement conduisant à le protéger et à l’améliorer12. »
Là encore, François n’est pas en reste avec son « éco-théologie ». Il instrumentalise le vocabulaire chrétien au service de l’écologie en invitant les hommes à une « conversion écologique13 » et favorise le panthéisme par son mélange de l’ordre surnaturel avec l’ordre naturel : « L’Eucharistie unit le ciel et la terre, elle embrasse et pénètre toute la Création. Le monde qui est issu des mains de Dieu, retourne à Lui dans une joyeuse et pleine adoration dans le pain eucharistique, la Création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l’unification avec le Créateur Lui-même14. »
Entre l’amour de saint François d’Assise pour la nature et celui des écologistes et du Pape François, il y a un monde. Au lieu de considérer les êtres qui nous entourent avec respect parce qu’ils ont été créés par Dieu et qu’ils nous parlent de Lui, on supprime l’existence du Dieu Créateur pour diviniser et absolutiser la nature.
R.P. Joseph
1 « ONU, conférence internationale sur la population et le développement, Le Caire » cité par Pascal Bernardin dans « L’Empire écologique » Ed. ND des Grâces 1998, p. 548
2 Gen. I, 28
3 Instrumentum Laboris, n° 137
4 Gen I, 28
5 Conférence de Stockholm (1972) organisée par l’ONU, citée par Pascal Bernardin dans « L’empire écologique » Ed. ND des grâces 1998, p. 417
6 « Laudato Si » N° 67
7 Huval Noah Harari dans « Homo Deus, une brève histoire de l’avenir » Albin Michel 2017, p. 122
8 UNESCO, Unep « Changing minds – Earthwise, Paris, 1991, p. 19, cité par Bernardin, op. Cité p. 419
9 Laudato Si n°221
10 Harari, opus cité p.107
11 Ibidem p. 106
12 Unep cité par Bernardin, opuscule cité p 424
13 Laudato Si n°217
14 Laudato Si n°236