La contrition

« Puisque Dieu veut le salut de tous les hommes, il doit leur donner à tous la grâce et les moyens nécessaires pour se sauver1. »

 

           Bien chers parents,

 

           Les circonstances inattendues et inédites dans lesquelles nous avons été brutalement plongés et dans lesquelles il nous faut cependant apprendre à vivre nous contraignent dans tous les domaines à rechercher des solutions ou des palliatifs aux difficultés nouvelles face auxquelles nous nous trouvons confrontés. Il s’agit pour nous tous d’imaginer, de mettre au point, de découvrir ou de redécouvrir des procédés visant à préserver au mieux les biens naturels et surnaturels qui sont nécessaires à nos vies sans nous laisser aller et sans négliger aucun de nos devoirs. S’il vous faut veiller au difficile quotidien de vos maisonnées, votre sollicitude de parents chrétiens ne doit pas non plus perdre de vue l’essentiel qui est le souci surnaturel de vos âmes et de celles de vos enfants. Cette préoccupation, qui est toujours la vôtre, pèse plus fortement encore sur vos épaules au cours de cette période d’une durée inconnue durant laquelle vos familles ne peuvent plus bénéficier des secours sacramentels et de la proximité des prêtres. Elle requiert donc que vous connaissiez les recours surnaturels qui existent dans de semblables cas pour que vous en viviez vous-mêmes et que vous sachiez aider vos enfants à les comprendre et à en vivre. La présente lettre a pour objet d’exposer ce qu’il faut savoir et ce qu’il faut faire lorsqu’on n’a plus la possibilité de se confesser pour un temps indéterminé.

 

  1. Rappels de doctrine concernant la contrition

 

« L’homme ne voit que ce qui paraît au dehors, mais le Seigneur regarde le cœur2. »

 

  1. Nous avons l’habitude que nos péchés nous soient remis au confessionnal. Nous croyons fermement en effet, lorsque le prêtre nous donne l’absolution et alors que nos cœurs sont réellement contrits, que Dieu, dans sa miséricorde, nous pardonne nos péchés. Nous savons cependant que nos péchés ne seraient pas remis si nous n’avions pas les dispositions intérieures de contrition. C’est elle qui est rigoureusement nécessaire pour obtenir le pardon de nos péchés. Et, si elle est parfaite, elle obtient même de Dieu la rémission immédiate de nos péchés, avant même l’absolution.
  2. On comprend donc l’importance de la contrition et la nécessité de bien l’expliquer dans la situation présente. Elle consiste dans la douleur intérieure des péchés que l’on a commis et dans le bon propos de ne plus recommencer. Aussi, il y a toujours un double mouvement qui existe dans l’acte de contrition : l’un vers le passé, pour détester les péchés commis et le second vers l’avenir pour se déterminer à lutter courageusement dans les tentations.
  3. Pour qu’elle soit réelle, il faut que la contrition possède quatre qualités. Elle doit être intérieure, surnaturelle, souveraine et universelle. Expliquons en quelques mots ces quatre caractères.

 

– En disant qu’elle doit être intérieure, nous voulons dire qu’elle doit être une véritable douleur du cœur et ne pas être seulement l’expression de quelques mots extérieurs de repentir qui ne signifieraient pas notre état intérieur.

– Elle doit être ensuite surnaturelle tant dans son principe qui est l’inspiration du Saint-Esprit agissant en nous que dans nos motivations qui doivent être la douleur d’avoir offensé Dieu, les souffrances et la mort de Jésus-Christ sur la croix à cause de nos péchés, la crainte des châtiments dont nous sommes passibles, la perte du Paradis ou la laideur du péché.

 

– Elle doit encore être souveraine en ce que notre raison doit comprendre le péché comme étant le plus grand de tous les maux et le détester comme tel.

 

–  Elle doit être universelle car elle doit s’étendre à tous les péchés sans aucune exception ni réserve.

 

  1. Le bon propos est le second élément de la contrition. Il est la volonté sincère de ne plus pécher à l’avenir. La contrition ne peut être véritable qu’à la condition d’exclure toute affection au péché, toute volonté de pécher. Ne laissons pas dire à nos enfants que, de toute façon ce bon propos est impossible car ils savent qu’ils vont retomber. Expliquons-leur que ce qui leur est demandé consiste à courageusement vouloir se relever et à lutter avec l’aide de la grâce divine. Et c’est en faisant toujours ainsi qu’ils avanceront. Si le petit enfant qui apprend à marcher restait par terre sous prétexte qu’il va encore faire des chutes, il n’y parviendrait jamais. Il en va de même dans l’ordre surnaturel.
  2. Le bon propos doit aussi être universel et s’étendre à tous les péchés mortels. Il doit amener à prendre tous les moyens pour les éviter et, par conséquent, pour travailler à s’en corriger. Il doit aussi fuir les occasions prochaines du péché dans toute la mesure où elles ne sont pas nécessaires car « Celui qui aime le péril y périra3.»
  3. Il est encore nécessaire de savoir qu’il y a deux degrés dans la contrition, la contrition parfaite et la contrition imparfaite également nommée attrition. Toutes les deux sont bonnes mais seule la contrition parfaite obtient de Dieu le pardon immédiat de tous les péchés même mortels. Il est donc nécessaire de bien les distinguer et d’aider les enfants à se placer dans des dispositions de contrition parfaite, surtout si l’on craint qu’ils aient commis des péchés graves.
  4. La différence entre les deux contritions se fait d’après les motifs qui en sont à l’origine. L’attrition ou contrition imparfaite amène à regretter les péchés que l’on a commis soit à cause de la laideur du péché soit par crainte des châtiments éternels ou temporels que l’on mérite tandis que la contrition parfaite est inspirée par la douleur d’avoir offensé un Dieu si bon, si aimable et si digne d’être aimé. L’effet de la contrition imparfaite est de disposer le pécheur à recevoir la grâce de Dieu dans le sacrement de pénitence mais ne suffit pas en elle-même pour obtenir la destruction du péché dans l’âme.
  5. Conclusion : il faut donc comprendre que la contrition parfaite est de nécessité de salut pour tout pécheur ayant commis un péché mortel s’il ne peut accéder aux sacrements de baptême ou de pénitence. Elle est alors la condition sine qua non pour retrouver l’état de grâce.
  6. Si le pécheur ne peut accéder au sacrement de pénitence, il doit donc s’efforcer d’entrer dans les dispositions de la contrition parfaite en y joignant le désir d’aller se confesser lorsque cela sera redevenu possible4. Le devoir demeure en effet, même si on pense avoir obtenu la contrition parfaite de confesser tous les péchés mortels commis. Et le pardon des péchés obtenu par la contrition parfaite avant une confession est en réalité toujours à attribuer à cette contrition liée au sacrement que l’on désire recevoir.
  7. Nous rappelons que le troisième commandement de l’Eglise demande de se confesser au moins une fois de l’an sans préciser de temps prescrit pour le faire.
  1. Moyens pour obtenir la contrition parfaite

 

« Est-ce que je veux la mort de l’impie, dit le Seigneur Dieu, et ne veux-je pas plutôt qu’il se convertisse et qu’il se retire de sa mauvaise voie, et qu’il vive5 ? » 

  1. De lui-même, l’homme ne peut obtenir la contrition parfaite, parce qu’il ne peut rien dans l’ordre surnaturel sans la grâce de Dieu. Mais, avec cette grâce, qu’il doit solliciter par une humble prière, il peut l’obtenir facilement.

 

  1. Il peut espérer l’obtenir facilement et de la bonté de Dieu et parce que les motifs de la contrition parfaite sont aisés à comprendre et à concevoir.

 

  1. Il est très important que les pécheurs n’interprètent pas mal le qualificatif de « parfait » et se découragent en pensant qu’ils n’y arriveront jamais. La contrition « parfaite » demande en réalité de savoir simplement concevoir le péché comme le plus grand mal et de le détester en tant que tel à cause de l’amour que l’on a pour Dieu. Il n’est donc pas requis de « sentir » une très grande douleur du péché ou un très grand amour de Dieu.

 

  1. Saint Charles Borromée proposait trois stations pour faciliter l’accès à la contrition parfaite. La première était la considération des châtiments terribles que méritent nos péchés. La deuxième, la perte du Ciel que l’on risque. Enfin, la troisième consiste à se représenter les souffrances de Jésus Crucifié à cause de nos péchés et de réaliser l’amour infini qu’il nous a témoigné par sa passion et par sa mort.

 

  1. S’il est vrai qu’un seul instant peut suffire pour accéder à la contrition parfaite, on fera bien de ne pas être présomptueux et d’y passer le temps que l’on passerait pour régler une affaire temporelle d’importance. Si le moindre degré de contrition parfaite suffit à obtenir de Dieu le pardon de ses péchés, désirons cependant grandir dans une componction toujours plus intense.

 

  1. Bien entendu, la pratique de l’examen de conscience est un moyen nécessaire pour connaître ses péchés et la récitation de l’acte de contrition doit naître spontanément sur les lèvres de celui qui est réellement contrit.

 

III. Conseils aux parents pour l’heure présente

 

« Je ne saurai jamais trop recommander à un père de ne jamais se permettre devant ses enfants aucune action qui puisse l’avilir à leurs yeux6. » 

 

  1. La connaissance de cette doctrine de la contrition et des moyens pour l’obtenir est nécessaire dans cette période de confinement pour que vous-mêmes, chers parents, et que vos enfants, vous ne viviez pas sur la fausse et décourageante pensée que vos péchés ne seront pas pardonnés avant la prochaine confession.

 

  1. Elle l’est spécialement pour ceux qui sont tombés dans le péché mortel et qui doivent donc savoir qu’ils peuvent retrouver l’état de grâce et qu’ils doivent même tout mettre en œuvre pour y arriver dès à présent. Il faut bannir l’idée diabolique qui consiste à se dire, une fois que l’on est tombé gravement une fois que ce n‘est plus la peine de lutter et que l’on n’a plus qu’à se laisser aller. Illusion funeste que l’on trouve trop fréquemment !

 

  1. Elle est également source d’une grande

    consolation pour les âmes ferventes qui savent que leurs péchés véniels peuvent facilement être pardonnés grâce à cette contrition de l’âme. La vigilance des mères doit toujours rester sur le qui-vive pour faire attention à chacun de ses enfants. 

     

    1. Nous pensons que le rappel de cette doctrine par les pères de famille, dans les circonstances présentes, peut avoir un poids considérable et que les enfants ne peuvent être que très favorablement impressionnés et touchés d’entendre la voix paternelle prendre le temps de leur donner cet exposé, de manifester ainsi sa foi et de montrer cette sollicitude pour l’âme de ses enfants.

     

    1. Il est cependant certain qu’il doit lui-même montrer l’exemple pour être crédible. Qu’il ait conscience, s’il est fautif, qu’il ne pourra pas « tenir longtemps sa conduite cachée à ses enfants ; le plus léger indice en livrera certainement un jour le secret à leurs oreilles curieuses, et la triste vérité, une fois connue, fera plus de mal en quelques instants que toutes les leçons n’avaient pu jusque-là produire de fruit…7»

     

    1. Enfin, après l’utilisation intensive des moyens virtuels qui ont été mis en œuvre par l’école pour les cours, que la période des vacances, même si elles vont se passer dans le confinement, marque une nette coupure avec l’utilisation de l’internet, vrai nid de frelons dans les maisons pour la plupart d’entre nous.

     

      Chers parents, il me semble que nous ne faisons ici que commencer à balbutier les leçons que nous devons extraire des événements que nous vivons. Nous avons évoqué dans cette lettre la question de la contrition en raison de l’urgence où peuvent se trouver certains. Mais la réflexion doit s’étendre bien plus loin : cette crise sanitaire actuelle nous oblige, sur le plan spirituel, à évaluer notre capacité de continuer à vivre chrétiennement et avec ferveur dans des circonstances devenues tout à coup nettement moins favorables et en recherchant même à tirer le bien du mal. Nous vous assurons de notre religieux dévouement dans le Cœur Douloureux et Immaculé de Marie et nous portons vos familles dans nos prières au cours de ce temps Pascal en nous tenant toujours à votre disposition.

     

    Père Joseph

     

    Appendice : Acte de contrition parfaite selon saint Alphonse :

    Mon Dieu ! Je vous aime de tout mon cœur et par-dessus toutes choses parce que vous êtes infiniment bon et infiniment digne d’être aimé. Je me repens de tous mes péchés parce qu’ils vont ont offensé, ô Bonté infinie ! Je m’en repens de tout mon cœur et j’en ai plus d’horreur que de tous les maux ; je suis résolu de mourir plutôt que de jamais vous déplaire, moyennant votre grâce que je vous demande pour maintenant et pour toujours. Je me propose en outre de recevoir les saints sacrements pendant ma vie et à ma mort.