Nos désirs nous mesurent et nous sommes à peu près ce que nous désirons (un chartreux).
Chers grands-parents,
Qu’est-ce que l’addiction ? Qu’est-ce qu’un addict ?
Avant de travailler sur ce sujet, nous avons tenté d’expliquer le terme. Nous sommes arrivés à définir un « addict » comme « une personne qui s’enferme dans la dépendance d’un produit ou d’un comportement ». Il y a bien dans l’addiction une notion d’enfermement dans une dépendance. L’addict perd une partie de sa volonté au profit de comportements qui lui procurent généralement un plaisir immédiat souvent suivi d’une période de regret ou de déprime. Ce dérèglement peut concerner l’usage de produits (alcool, tabac…) ou des comportements (achats compulsifs, téléphone, internet…). La vie de l’addict est envahie par sa faiblesse et il lui est extrêmement difficile d’en sortir. La dépendance d’un produit (alcool, tabac…) ajoute un assujettissement pharmacologique. Les niveaux d’addictions sont évidemment très variables, de la simple accoutumance pouvant être combattue par un acte fort de volonté, à l’addiction profonde demandant des soins médicaux, tous les stades existent.
Ces dérèglements peuvent concerner des choses qui utilisées avec mesure, seraient bonnes en soi (alcool, téléphone, internet…) et pour lesquelles le mal vient de l’excès et la dérive insidieuse, ou mauvaises dès l’origine (drogue, pornographie).
Bien que le sujet ne soit pas nouveau, nous pensons qu’un tel article n’aurait pas été rédigé il y a 30 ans. En effet, ce qui est nouveau, c’est la généralisation du phénomène à des degrés très divers, certainement entraînée par la facilité avec laquelle chacun peut trouver un objet à son intempérance (l’illimité dans tous les domaines) et le peu d’armes dont on dispose pour faire face.
Bien entendu, on pourra toujours dire qu’il ne s’agit que d’une question de volonté et que c’est à chacun de réagir face à ces tentations de dérèglement. Cela n’est pas faux mais certainement insuffisant.
Nous pensons que la généralisation des addictions vient principalement de 3 causes.
- La faiblesse de la volonté face à l’usage aisé de biens légitimes,
- La facilité de l’accès à ces biens, à laquelle s’ajoutent la publicité et la mode…
- Le sentiment d’abandon que peuvent ressentir certains jeunes.
Nous allons aborder successivement chacun de ces facteurs en essayant de trouver dans quelle mesure nous, grands-parents, pouvons agir.
La faiblesse de la volonté.
« Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas » (Saint Paul). Rien de nouveau sous le soleil ! Dès le principe, l’homme a toujours été attiré par la facilité et le confort et rebuté par la souffrance et l’effort. Ce qui est nouveau, c’est que le progrès permet à l’homme de vivre avec un minimum d’effort et donc le moins d’exercice de volonté possible. L’eau chaude coule du robinet, le four micro-ondes réchauffe les plats et la vidéo procure une activité passive et distrayante par un simple « clic ». Même si ces progrès sont bons en soi, il nous paraît bien de prendre quelques distances avec eux de façon à permettre à nos jeunes et moins jeunes de faire agir leur volonté dans les actes du quotidien. Sans nous en rendre compte, nous sommes tous « addicts » au progrès. Nos enfants ne comprendront plus que l’on puisse se passer de climatisation, de musique, de sucreries de supermarché, que le chauffage ne soit pas un droit. Nous sommes sûrs de nous, convaincus que ce confort est un dû définitif ! Le pape Pie XI dans son encyclique sur l’éducation1 constate que, si maintenant nous ne croyons plus au bonheur par le progrès technique, nous avons de plus en plus tendance à nous attacher aux choses « terrestres et éphémères ». Les vacances, la maison de campagne ou la location, peuvent être l’occasion de trouver un peu de rusticité. Ce séjour sera heureusement complété par un camp scout ou autre dans lequel les enfants donneront à leur volonté l’occasion d’agir…
La facilité d’accès aux biens.
Là il faut être catégorique. Un enfant faible devant telle ou telle tentation (du frigidaire à l’ordinateur) ne devra pas accéder facilement à l’objet de sa faiblesse. Certes, il faut apprendre aux enfants à user de tout avec mesure mais… nous sommes inégaux devant la tentation ! Un addict à la vidéo ne saura pas user avec raison de ce moyen. Un alcoolique ne saura pas user avec mesure de la bouteille… Face à l’addiction, l’éducation ne suffit pas ! Il faut éloigner la tentation ! D’une manière générale, il est important de ne pas mettre à la disposition des enfants tous les moyens modernes qui les tentent tant. Chez les grands-parents, l’usage d’internet doit être soumis à la nécessité et à l’autorisation et son accès techniquement le plus limité possible. Vous nous répondrez que les jeunes ont leurs portables certes… mais agissons là où nous le pouvons !
A cela doit s’ajouter l’exemple d’une vie simple, équilibrée, peu sensible aux modes, comprenant des activités de détente communes, des jeux, des conversations…
Le sentiment d’abandon
Bien souvent, l’addiction compense un manque ou un simple manque d’assurance. Tel fume parce qu’il a besoin d’être reconnu, telle autre court les magasins de « fringues2 » parce qu’elle a peur de ne « pas être dans le coup », un autre vit sur internet parce qu’il a peur du réel… Notre monde individualiste génère chez beaucoup de nos jeunes un sentiment de solitude auquel il est difficile de pallier… Le « solitaire » se réfugie alors dans une « zone de confort » où il ressentira un bien-être ou une reconnaissance éphémère. La répétition de ces abandons évoluera insidieusement vers la dépendance…
Ce sentiment d’abandon est un phénomène fréquent ! L’évolution vers une addiction peut en être une conséquence mais il peut y en avoir d’autres plus graves ! Les jeunes ont besoin de se sentir reconnus ! Si tel ou tel se sent isolé chez nous, il faut y remédier ! Trouver le point sur lequel on pourra lui montrer que l’on s’intéresse à lui et qu’il pourra trouver chez nous un accueil bienveillant. Quand les rapports sont difficiles avec les parents, les grands parents peuvent avoir un rôle d’écoute et de valorisation de nature à « garder le contact » et permettre à l’enfant de se sentir reconnu sans se créer un personnage artificiel et fragile…
Nous avons bien conscience que, dans le domaine des addictions, le rôle des grands-parents est délicat… le constat arrive souvent trop tard ! Prions notre bonne sainte Anne de nous aider à être vigilants et justes dans ce rôle de grands-parents.
Des grands-parents
1 DIVINI ILLIUS MAGISTRI Lettre encyclique de sa sainteté le pape PIE XI sur l’éducation chrétienne de la jeunesse 1929.
2 Ce qui – avec mesure – est bon !