Nos « frères séparés » de l’Eglise orthodoxe  

Il est assez courant, dans nos milieux, d’entendre différents commentaires élogieux et admiratifs à l’encontre de la religion orthodoxe. Nous apprécions son art des icônes, la beauté de ses chants religieux, la rigueur de sa liturgie, sa spiritualité, et les comparons à ce que nous voyons aujourd’hui dans l’Eglise conciliaire : la différence flagrante nous conduit souvent à regarder avec sympathie nos « cousins » d’Europe de l’Est ou du Moyen-Orient, et à appeler de nos vœux une union qui permettrait de donner à la chrétienté un nouveau souffle, et de contrer l’athéisme et l’islamisme. C’est peut-être oublier un peu vite tout ce qui divise l’Eglise catholique et l’orthodoxie, et méconnaître le caractère schismatique et hérétique de cette dernière. Nous essayerons ici d’étudier un peu plus en profondeur cette question de l’orthodoxie, tout d’abord en retraçant brièvement son histoire, puis en abordant les points qui nous opposent à elle, et enfin en rappelant l’attitude qu’a eu l’Eglise envers elle.

 

Histoire de l’orthodoxie

La naissance de l’orthodoxie trouve ses racines bien avant le Grand Schisme de 1054. Il faut remonter jusqu’en 330, avec le déplacement de la capitale de l’Empire romain à Byzance, faisant suite au don de Rome au Pape par l’empereur Constantin. Byzance prend alors le nom de Constantinople, et devient la « deuxième Rome ». Son importance est telle qu’on parle d’elle à travers le monde comme de la Basileuousa (Reine des Villes), la Mégalopolis (la Grande Ville), ou encore « la Ville ». Elle est élevée au rang de Patriarcat de l’Eglise d’Orient par le concile de Constantinople (381), puis reçoit la deuxième place derrière Rome au concile de Chalcédoine (en 451). Le patriarche de Constantinople occupe ainsi la seconde place dans la hiérarchie de l’Eglise, après le Pape. Cependant, la proximité du pouvoir impérial va brouiller les relations avec Rome, cette dernière préférant se rapprocher des princes d’Europe occidentale (Pépin le Bref, Charlemagne…), réduisant la sphère d’influence de l’empire romain d’Orient ; les patriarches de Constantinople calqueront plus naturellement leur attitude sur celle de l’empereur, prenant comme des affronts les alliances de Rome avec un autre seigneur que le leur.

Cette confusion du lien entre le politique et le spirituel est une première cause des tensions avec le Pape. A cela s’ajoute une certaine faiblesse au niveau théologique, qui se traduit par l’influence qu’ont eue dans l’Eglise d’Orient, les hérésies ariennes, nestorianistes et iconoclastes, mais également par des disputes avec Rome sur des points de détail de la liturgie ou de la doctrine.

La rupture est provoquée par le patriarche Michel Cérulaire en 1054. Voyant comme une ingérence politique le rapprochement du pape avec l’empereur Constantin IX, en vue de combattre les Normands, Michel Cérulaire lance une campagne anti- romaine en accusant les Latins (les chrétiens de l’Eglise d’Occident) d’être mi-juifs1, mi-chrétiens, de manger des viandes étouffées et de ne pas chanter l’Alléluia pendant le carême. Cela suffira à dresser les foules contre les « impies » de Latins, à fermer toutes les églises latines et à poursuivre les fidèles de Rome. Cérulaire est excommunié le 16 juillet 1054, mais répond  en excommuniant en retour le pape Léon IX, consommant le schisme2 et entraînant avec lui la quasi-totalité des églises orientales, qui prennent le nom d’Orthodoxe : « droit », « conforme au dogme ». Constantinople reste, jusqu’à sa prise par les Turcs en 1453, le cœur de la religion orthodoxe, pour être remplacée par Moscou, devenue la « Troisième Rome ».

 

Différences entre catholicisme et orthodoxie

La séparation d’avec Rome conduit logiquement les Orthodoxes à ne pas reconnaître les dogmes et la doctrine promulgués après 1054. Ces différences s’ajoutent aux points déjà litigieux avant le schisme. Dix points de doctrine distinguent Orthodoxes et Catholiques, mais nous ne verrons ici que les plus significatifs.

 

A la base, se trouve le refus de la nature monarchique de l’Eglise. Le pape occupe une place d’honneur, mais n’est pas le chef de l’Eglise et ne peut commander aux évêques du monde entier. Ceux-ci sont regroupés dans des Eglises nationales, indépendantes les unes des autres (patriarcat de Moscou, de Kiev, de Constantinople…). Le pape n’est en aucun cas infaillible, mais cette infaillibilité est détenue dans le corps des évêques pris dans son ensemble. Nous retrouvons cette fausse conception de la hiérarchie de l’Eglise dans la collégialité de l’Eglise conciliaire.

 

L’Immaculée Conception de la sainte Vierge Marie n’est pas une vérité de Foi, mais une simple opinion. Ce dogme, proclamé en 1854, n’est pas reconnu. L’existence du Purgatoire n’est également pas acceptée3, le dogme n’ayant été proclamé qu’au concile de Lyon, au XIIIème siècle. En rejetant ainsi ce qui vient de Rome, les Orthodoxes refusent ce qui a été universellement cru par l’Eglise avant le schisme, ce qui est un grave danger pour la Foi.

Le divorce est autorisé pour diverses raisons, telles que l’adultère, l’absence prolongée d’un des conjoints, la perte des droits civils. Dans l’Eglise russe, le sacrement d’ordre n’a pas non plus de caractère absolu : u, pope peut revenir à l’état laïc pour différentes raisons. Ces différences majeures frappent l’orthodoxie d’hérésie : se séparant de l’unité de l’Eglise, les Orthodoxes se privent de ses lumières et sont plus faibles devant l’erreur.

 

Eglise catholique et Orthodoxie

Le schisme d’Orient a été vécu comme une réelle tragédie par Rome : presque la moitié du monde chrétien se déchirait en deux camps désormais opposés, mettant en danger de damnation un grand nombre d’âmes. En effet, loin de n’être qu’un geste politique ou symbolique, le schisme est une séparation directe d’avec le corps mystique de l’Eglise, et donc également une privation de la grâce accordée par Dieu à ses fidèles. Pour cette raison, et parce qu’elle est animée du désir profond de sauver les âmes, l’Eglise catholique n’a cessé de rappeler à elle les orthodoxes afin de les réunir à Dieu. Sans se lasser, elle multiplie au cours des siècles les gestes vers les « frères séparés » et obtient certains succès4 avec le rapprochement des Uniates5. Malheureusement, la prise et le pillage de Constantinople par les armées de la 4ème Croisade6, en 1203, a rendue définitive la séparation de Constantinople et des principales nations orthodoxes (Russie, Empire byzantin, Ukraine…).        La question d’une réunification des Orthodoxes est cependant revenue sur le devant de la scène avec les déclarations des papes après le concile Vatican II. Le pape François déclarait à ce sujet, le 30 novembre 2015, dans une lettre adressée au patriarche de Constantinople que « même si toutes les différences entre les Églises catholique et orthodoxe n’ont pas été dépassées, les conditions sont maintenant réunies pour rétablir la pleine communion de foi, de concorde et de vie sacramentelle… ». Cette réunion en ces termes, et dans la logique œcuménique conciliaire, ne signifie malheureusement qu’une union de principe, et non de fond, aucune tentative n’étant faite pour ramener les Orthodoxes à la vrai Foi. Cette déclaration, ainsi que les différents gestes faits par les derniers papes en faveur de l’Orthodoxie, ont cependant été contrés par le métropolite de Russie, Hilarion, ce dernier précisant que « Personne ne parle d’union des deux Églises, car nos divisions sont très anciennes, les contradictions se sont accumulées, les deux Églises vivent leur propre vie depuis près de neuf siècles7 ». Cela est probablement pour le mieux, puisqu’une union à l’Eglise ne peut réellement se faire sans adhésion complète avec sa doctrine et sa Foi divine.

 

Attachée à ses traditions et à sa liturgie, l’Orthodoxie nous paraît comme la religion la plus proche de la nôtre. Les valeurs morales qu’elle défend (rejet du mariage de personnes de même sexe, protection de la vie, attachement à la famille) sont les nôtres, ou peu s’en faut, et elle nous semble comme le dernier bastion de défense de la Foi dans un monde sans Dieu et sans Loi. Prenons garde cependant à ne pas la considérer comme notre dernier espoir, comme si le salut allait venir de l’Est : malgré tous ses attraits extérieurs, elle n’en reste pas moins une erreur qui a gravement affaibli l’Eglise et la divise encore aujourd’hui. Rappelons-nous le message de Notre Dame à Fatima : « Si la Russie8 ne se convertit, elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Eglise ». Séparée de la lumière et de la grâce accordée par Dieu à l’Eglise, l’erreur orthodoxe a préparé la voie au communisme et à son cortège d’abominations et de révoltes, gangrénant le monde entier. Le seul moyen de réconciliation des Orthodoxes avec l’Eglise réside dans la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie, comme elle-même l’a annoncé. Tout autre moyen artificiel, préférant sacrifier les principes de Foi sur l’autel de la concorde œcuménique, enfoncerait encore plus profondément les Orthodoxes dans l’erreur, et serait une nouvelle source de calamités.

 

A l’appel de la Sainte Vierge, il est possible d’hâter cette réunification de l’Eglise au moyen de la dévotion à son Cœur Immaculé. Il est assuré que Dieu se laissera toucher par la persévérance de ses fidèles et qu’il accordera, par l’intermédiaire de sa Sainte Mère, le retour au sein de l’Eglise de ses fils égarés dans le schisme et l’erreur. A ce moment, « [Son] cœur Immaculé triomphera (…) et un certain temps de paix sera accordé au monde ».

 

Un animateur du MJCF