Venez à moi, vous tous qui souffrez

           Depuis le premier péché de nos ancêtres, Adam et Eve, la souffrance est notre lot sur terre. Elle prend des formes différentes : souffrances du corps pour les uns – maladie, handicap, stérilité… -, souffrances de l’âme pour les autres, – doute, séparation, passé difficile, inquiétude pour les siens,… Mais qui d’entre nous ne peut se reconnaître dans le portrait de l’un ou l’autre des aimés de Dieu énumérés dans les Béatitudes1 ?

Il y a des natures plus ou moins sensibles, des tempéraments plus vigoureux que d’autres, des personnes qui se confient, d’autres qui gardent tout dans leur cœur, et d’autres qui ont su dépasser leur épreuve en l’offrant à Dieu et en s’unissant à Lui. Cependant rien n’est jamais acquis : un souvenir, une date, un lieu, réveillent les plaies que l’on croyait cicatrisées car la mémoire n’est pas toujours un allié. Et chacun, quel que soit son tempérament a ou aura sa part à offrir sur terre pour participer aux souffrances du Christ.

  Restons confiants, bien unis à Notre-Seigneur : si les épreuves ne sont pas encore venues, quand l’heure sonnera, Dieu enverra son lot de grâces, de consolation et de force pour les supporter. Si elles sont déjà là, puisons dans le trésor de son Cœur miséricordieux et dans celui de sa sainte Mère pour y trouver consolation et paix. Et si elles sont passées, reconnaissons comment Dieu nous a soutenus et profitons de cette « expérience » pour aider ceux qui souffrent car Celui qui sait ce que c’est que de souffrir sera le meilleur soutien de ceux qui sont frappés par l’épreuve.

 

« Et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix de Jésus2 »

 

-Vous tous qui souffrez dans votre corps, des douleurs parfois crucifiantes, quotidiennes et renouvelées…

– Vous qui voyez l’âge avancer, vos forces disparaître, la dépendance arriver, l’immobilité ou la paralysie vous guetter…

– Vous dont le cœur se serre d’angoisse en soignant un époux malade, un enfant handicapé,…

– Vous qui fermez les yeux d’un père, d’une mère, d’un enfant…

– Vous dont la maison s’est vidée car les cœurs ingrats l’ont délaissée et vous laissent à votre solitude…

– Vous qui luttez pied à pied avec les idées noires qui vous obsèdent et qui combattez contre les tentations de désespoir…

– Vous dont la vie est si compliquée et qui regrettez amèrement le passé que vous avez abîmé sans pouvoir le refaire…

– Vous dont le cœur maternel aimerait tant s’ouvrir pour accueillir la vie et dont le foyer, malgré toutes les prières et les soins, reste vide…

– Vous qui étiez unis pour le meilleur et pour le pire et que la mort a séparés…

– Vous qui tremblez pour l’âme d’un époux, d’un père, d’un enfant qui se perd…

– Vous qui êtes dans des conditions matérielles tellement difficiles que vous ne voyez plus d’issue à vos soucis…

-Vous qui êtes seul pour mourir dans une maison de retraite ou un hôpital où l’on vous refuse la visite des vôtres et même celle du prêtre…

– Vous tous les isolés, les âmes désespérées et lasses, les cœurs froissés et incompris, les esprits inquiets devant l’avenir tellement incertain, vous tous qui souffrez, qui pleurez, qui êtes rongés par les rancœurs, n’oubliez jamais que Dieu vous aime, que son Cœur connaît toutes nos douleurs et qu’Il a longuement prié son Père pour chacun d’entre nous ! « Le lendemain, s’étant levé longtemps avant le jour, Il sortit, gagna un endroit solitaire et là, Il priait3. »

Oui pour vous tous, infirmes et malades du corps et de l’âme, pour chacun de ceux qui pleurent et qui souffrent, le Bon Maître, en ce petit matin encore silencieux a longuement prié.

 

Seigneur, celui que vous aimez est malade !4 

 

  Quelle que soit l’épreuve qui a frappé, la profondeur de la peine d’une âme souffrante qui s’ouvre à nous est impressionnante. Ces tsunamis qui les ont foudroyés ont bouleversé profondément leur équilibre. Bien souvent le manque de sommeil, le déséquilibre d’une vie compliquée dont la régularité a forcément été perturbée, n’aident pas à prendre le recul nécessaire. Aidons-les déjà à reprendre pied naturellement par de petites actions toutes simples. A Bethsaïde, Jésus prit la main du pauvre aveugle pour le conduire hors du bourg5, loin de l’agitation du monde, vers le calme silencieux qui apaise et qui guérit.

Ecoutons leurs besoins, leur souffrance, laissons-les épancher leur cœur quand elles en ont envie ; et quand elles ne souhaitent pas parler, respectons leur silence et sachons aussi être présents par la prière, montrer notre affection sans nous imposer et dans la discrétion. Cette œuvre de miséricorde n’est pas facile à accomplir, n’oublions jamais d’implorer le Saint-Esprit afin qu’il nous inspire les bons mots. Chaque être humain a sa personnalité, son histoire, chaque âme est délicate comme une fleur et quelles que soient ses apparences elle cache des trésors de désir ou des profondeurs de souffrance que seul un regard vraiment attentif, disponible et aimant peut deviner et comprendre. Imitons notre maître « Sur chacun, Il posait les mains6 » ; faisons-nous « toute à tous7 », comme Jésus, sans faire de reproche, mais en faisant nôtre sa douleur.

Pour compatir vraiment à la souffrance des autres, il faut soi-même avoir souffert, il faut aimer mais surtout s’oublier et ne pas s’écouter. Comme Jésus qui renonça aux consolations de ses amis au jardin des oliviers en s’oubliant pour ne plus songer qu’à leur fatigue : « Dormez maintenant et reposez-vous8

  Les âmes souffrantes ont souvent l’impression qu’elles sont tellement blessées qu’elles n’arrivent plus à prier. Le Père de la Chevasnerie enseigne alors une attitude toute simple et à la portée de tous : « Jésus, je vous offre toute ma journée pour vous faire plaisir. » Pour vous faire plaisir cette douleur, ce médicament à prendre, cette personne à supporter ; pour vous faire plaisir cette inquiétude qui me ronge, ce souci qui m’obsède ; pour vous faire plaisir mon chapelet que je n’arrive même plus à tenir ; pour vous faire plaisir cette angoisse qui m’étreint…

« Tout faire pour plaire au Seigneur Jésus, c’est adopter l’attitude que nous devrions toujours avoir envers Lui, celle des « tout-petits », humbles et confiants9. »

  Enfin malgré la douleur il est important de parvenir à retrouver la paix ; et celle-ci se trouve à trois niveaux :

la paix avec Dieu qui passe en général par le sacrement de confession. N’hésitons pas si cela est nécessaire à demander auparavant un entretien avec le prêtre qui saura nous aider à trouver cette paix de l’âme. Il nous apportera l’aide de Celui que Marthe et Marie font appeler dans leur détresse lors de la mort de leur frère Lazare : Jésus, Lui qui seul, console et fortifie en donnant à notre souffrance sa raison d’être et son immortel espoir de fécondité.

– la paix avec les autres qui passe bien souvent par le pardon. En effet, il semble que cette phrase de l’Evangile soit souvent mal assimilée : « Car si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne pardonnera pas non plus vos offenses10. » Dans les faits, chaque jour, et plusieurs fois par jour dans la prière du « Notre Père », nous reconnaissons que le pardon que nous sollicitons de Dieu est conditionné par celui que nous accordons… N’attendons pas le crépuscule de notre vie pour pardonner, c’est un grand moyen pour retrouver la paix de l’âme !

– la paix avec soi-même, « « Vis le jour d’aujourd’hui, Dieu te le donne, il est à toi. Vis-le en lui. Le jour de demain est à Dieu, il ne t’appartient pas. Ne porte pas sur demain le souci d’aujourd’hui. Demain est à Dieu, remets-le-lui. Le moment présent est une frêle passerelle, si tu le charges des regrets d’hier, de l’inquiétude de demain, la passerelle cède et tu perds pied. Le passé ? Dieu le pardonne. L’avenir ? Dieu le donne. Vis le jour d’aujourd’hui en communion avec lui11 ».

La paix permet de purifier notre cœur et de donner toute sa fécondité à toute souffrance quelle que soit son origine.

 

Ayez confiance !

 

  Il semble que la souffrance rend la prière toute puissante et le cœur de Notre Père ne peut résister à la vue d’un de ses enfants qui souffre et supplie pour l’un de ses frères. Dieu le Père ne reconnaît-il pas dans cette voix douloureuse qui L’implore, les accents même de son Fils souffrant et priant pour nous ?

Notre Divin Maître si délicat et si bon avec la veuve de Naïm montra pour elle une vraie compassion : « ne pleurez pas12 » ! Ne pleurons pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance.

A travers les plus rudes épreuves de la terre, consolons-nous en songeant que nous sommes les petits enfants de notre Père qui nous aime : du Père dont le Fils a souffert comme nous, qui ne permet nos douleurs que pour nous faire participer à la Rédemption des pauvres âmes qui n’ont pas su le trouver.

Aimons la contemplation des passages de l’Evangile ; on y trouve tant de passages où Notre-Seigneur consolait ou guérissait ! Goûtons les sentiments du Cœur Divin. Entretenons-nous familièrement avec Lui ; parlons-Lui de nous, de nos souffrances mais parlons-Lui aussi de Lui pour Lui ressembler toujours davantage. Ainsi petit à petit nous nous habituerons à Le suivre et il nous deviendra facile de penser, de parler, d’écouter et même de souffrir comme Lui et avec Lui en apprenant à Le contempler et à L’aimer.

  Tournons-nous vers notre maman du ciel, qui, mieux que celle de la terre connaît notre détresse ; elle, la dernière consolatrice de son Divin Fils, Mère des douleurs, Mère à laquelle nous avons été confiés, elle saura consoler tous les cœurs, apaiser tous les désespoirs, encourager les contritions, accueillir les projets, deviner les désirs et les rêves, fortifier les volontés chancelantes et même nous apprendre à aimer notre Croix.

  Et si, la route du Calvaire nous semble bien longue, alors, comme Simon de Cyrène, pour reprendre courage, considérons Jésus qui marche à nos côtés ; son divin regard nous remerciera de notre aide, en nous donnant la force de tenir nous aussi jusqu’au Calvaire…

  Que Notre-Dame des Foyers Ardents veille sur nous tous,

Marguerite-Marie

1 Saint Matthieu – V, 1-12

2 Saint Marc – XXI, 15

3 Saint Marc- I, 35

4 Saint Jean – XI, 3

5 Saint Marc – VIII, 22

6 Saint Luc – IV, 40

7 Toute à tous – Elisabeth Leseur

8 Saint Marc – XIV, 41

9 R.P. de la Chevasnerie – Bienheureux vous tous qui souffrez

10 Saint Matthieu – VI, 14-15

11 Prière trouvée sur une petite sœur assassinée à Alger

12 Saint Luc – VII, 13