La Femme Forte

Lorsque les maîtresses de maison entendent la lecture du Livre de la Sagesse qui fait l’éloge de « la Femme Forte », elles suivent avec attention la description minutieuse de ses faits et gestes. Elles sont désireuses de suivre ce modèle scripturaire qui leur est proposé et elles aimeraient bien comprendre toute la portée spirituelle de ce portrait dont elles soupçonnent la valeur.

Nous ne pouvons ici nous lancer dans l’explication spirituelle de ce poème splendide qui enchante les quelques privilégiées qui ont eu le bonheur de la découvrir, par exemple sous la plume de Monseigneur Gay. Nous nous contenterons ici d’en relever une petite phrase qui vaut tout un programme de vie. « Elle » (c’est-à-dire la femme forte) « sourit au jour à venir » ou, selon de meilleures traductions, « Elle sourit à l’avenir » ou même « Elle se rit de l’avenir » ! Voilà un compliment un peu inattendu que le Saint-Esprit prononce : Il la loue de « rire de l’avenir ». Mais n’est-ce point de l’inconscience ou de la présomption ?

Nous ne le croyons pas. Ce trait révélé de la physionomie spirituelle de « la Femme Forte » indique en réalité une élévation d’âme peu commune mais que  l’on souhaiterait comme un trésor pour chacune. Non, ce n’est nullement l’insouciance qui est promue par ces mots mais le repos réfléchi, volontaire et surnaturel de celle qui a fidèlement accompli son devoir d’état et qui a prévu ce qui devait l’être. Elle remet alors avec confiance tout son travail et ses préoccupations à son Père des Cieux et elle abandonne résolument demain, après demain et ce qu’on appelle l’avenir entre ses mains.

Toute sa force se trahit en cet instant plus qu’en nul autre. Elle a vaincu l’inquiétude ; elle ne se ronge plus d’angoisse. Elle ne retourne plus pendant des heures ses soucis. Ce n’est pas qu’elle ne soit pas encore tentée de le faire ! Mais, dans un bel acte théologal, elle s’y refuse désormais car elle y voit maintenant un manque d’abandon filial à l’égard de Dieu. C’est vraiment l’œuvre de la grâce qui a puissamment agi en elle pour la rendre si maîtresse d’elle-même et si forte.

« Ses fils se sont levés pour la proclamer bienheureuse ; son mari s’est levé pour faire son éloge » car ils comprennent les bienfaits d’équilibre, de modération et de paix surnaturelle qui émanent de la présence de leur mère ou de leur épouse. Sa force passe de son âme dans les leurs et ils réalisent le somptueux cadeau qu’ils reçoivent ainsi de son héroïsme caché. Sa vie est une devise vécue chaque jour  qui consiste tout simplement à leur répéter : « Fais aujourd’hui ce que tu dois et confie à Dieu ton lendemain. »

Exercez-vous, chères mamans catholiques, à sourire au jour à venir et à vous rire de l’avenir en toutes circonstances. Vous qui aimez vos enfants, accordez-leur ce suprême présent. Votre empire sur vous-même est « un trésor de loin plus précieux que ceux qui nous viennent des contrées lointaines ». Peu importe que votre sourire soit d’abord un peu artificiel, il deviendra tout naturel, se fortifiera avec le temps et dilatera votre âme.

Père Joseph