Epargner pour le Bien commun familial

          Béatrice et Gérard ont la chance de pouvoir épargner une partie de leurs revenus (FA 18). Si nous sommes dans la même situation, que faire ? Bien gérer notre argent est en effet un devoir : les enfants de lumière doivent être habiles pour le Bien Commun de leur famille. Ils doivent imiter le bon serviteur de l’Evangile dans le domaine temporel, comme dans le domaine spirituel : le serviteur qui a gardé son argent dormant a été blâmé. Celui qui a doublé sa mise, de 5 à 10 talents, est félicité. Il a nécessairement investi son argent dans des affaires légitimes pour obtenir ce résultat. Ne laissons donc pas toutes nos économies dormir, l’inflation les grignoterait peu à peu.

Première priorité : la résidence principale

Après le mariage, où lorsque notre vie est stabilisée, acheter sa résidence principale est une priorité : nous ne savons ni le jour ni l’heure de notre mort… Une épouse qui se retrouve brutalement veuve avec 3 ou 4 jeunes enfants, avec la perte des revenus du mari, sera plus en sécurité si elle n’a pas à payer son logement. Lorsque nous empruntons pour acheter, nous souscrivons obligatoirement une assurance décès. En cas de décès, l’assurance rembourse la totalité de l’emprunt restant et la veuve devient donc pleinement propriétaire sans frais ! Empruntons donc au maximum raisonnable.

D’ailleurs, il vaut mieux se constituer un capital physique en remboursant son emprunt, que de payer un loyer. Nous aurons la jouissance de ce capital et pourrons le transmettre plus tard à nos enfants.

La finalité première est ici la sécurité de la famille. Ne nous inquiétons donc pas des fluctuations de l’immobilier -il ne monte pas toujours- mais lorsque nous vendons pour racheter un autre bien, tout le monde est dans le même cycle de prix et personne n’est ainsi désavantagé. L’essentiel est de choisir un bien de qualité dans un environnement de qualité.

Motivations et objections à l’emprunt ?

Lorsqu’on achète un logement et que les taux d’intérêts sont assez bas, l’emprunt est nécessaire pour pouvoir acheter et bon car il contribue à la sécurité de la famille en cas de décès. Pour un bien durable coûteux, comme une voiture, l’emprunt est également légitime si les taux sont modérés. Dans tous les cas, il faut que le remboursement soit raisonnable vis-à-vis des capacités et de la psychologie de la famille, qu’il ne soit pas cause de disputes parce que la charge est trop pénible !

En revanche, le crédit à la consommation est à proscrire. Le taux d’intérêt est souvent usuraire (10% ou plus). Ainsi, le taux des crédits renouvelables des banques, ou des cartes de paiement des grands magasins est facilement de 18% et masqué derrière des avantages de fidélité… Anticipons nos besoins pour ne pas collaborer à ces abus ! Le crédit à la consommation est souvent cause de problèmes en ménage : il est un signe qu’on se cache les difficultés ou les tentations.

Seconde priorité : valoriser son épargne

Comme le bon serviteur, nous devons investir notre argent dans l’économie réelle pour le faire fructifier.

Lorsqu’on n’est pas soi-même entrepreneur, le mieux est d’investir dans des actions. L’action est une part de propriété d’une société.

L’argent ainsi confié à l’entreprise sert à la développer et à faire vivre des familles qui y travaillent, en apportant des produits de valeur à leurs clients, contribuant ainsi au bien commun naturel.

L’actionnaire participe à la création de valeur de l’entreprise et aux risques associés. Il est légitime qu’il soit rémunéré par des dividendes, qui sont une part des bénéfices. En outre la valeur de l’action peut augmenter lorsque la performance et les perspectives de l’entreprise sont bonnes. Dans un portefeuille d’actions équilibré, en moyenne sur une période de 10 ans, le cumul des dividendes et des plus-values font doubler la somme investie. 

Motivations et objections à l’actionnariat ?

Ces gains seront bien utiles pour constituer l’apport personnel nécessaire à l’achat immobilier, ou pour les besoins futurs de la famille (scolarités, mariage des enfants, aider les vieux parents ou donner aux œuvres, transmettre à ses enfants et petits-enfants).

Si l’Eglise interdit la spéculation et l’abus de puissance (l’usure au sens de taux d’intérêts abusifs ou injustifiés), compte tenu de l’organisation pratique de la société civile avec ses entreprises qui ont en partie remplacé l’artisanat individuel, l’Eglise permet l’investissement dans l’économie réelle, dans le respect des règles morales traditionnelles.

Le Code de Droit Canon régit les affaires de l’Eglise latine.  Le code de 1917 dit au N°1543 : Si une chose fongible est donnée à quelqu’un en propriété et ne doit être restituée ensuite qu’en même genre, aucun gain à raison du même contrat ne peut être perçu ; mais dans la prestation d’une chose fongible, il n’est pas illicite en soi de convenir d’un profit légal, à moins qu’il n’apparaisse comme immodéré, ou même d’un profit plus élevé, si un titre juste et proportionné peut être invoqué.

Et Pie IX dans Quadragesimo Anno- 1931 : Il n’est pas interdit à ceux qui produisent d’accroître honnêtement leurs biens ; il est équitable, au contraire que quiconque rend service à la société et l’enrichit profite, lui aussi, selon sa condition, de l’accroissement des biens communs, pourvu que, dans l’acquisition de la fortune, il respecte la loi de Dieu et les droits du prochain, et que, dans l’usage qu’il en fait, il obéisse aux règles de la foi et de la raison.

Conditions de réussite de l’actionnariat

La condition de réussite d’une entreprise, donc du gain pour l’actionnaire est d’abord d’avoir de bons dirigeants, puis une bonne stratégie et une vision à long terme, enfin de bons produits bien positionnés pour satisfaire de bons clients sur ses marchés. Une autre condition de gain est de placer à long terme – 5 ans au moins – et de ne pas paniquer en cas de fluctuation. Attention, le fameux CAC 40 ne représente que les fluctuations des cours de bourse, sans tenir compte des dividendes versés par les entreprises qui représentent pourtant 50% des gains ! Nous devons éviter des mouvements trop fréquents d’achat ou de vente sinon nous ratons les vraies opportunités de croissance réelle et nous misons sur des gains de spéculation, ce qui serait de la mauvaise gestion, incohérente avec notre morale.

En pratique

Si nous travaillons dans une bonne entreprise, utilisons au maximum les dispositifs d’épargne salariale investis en actions de l’entreprise. La somme que nous investissons est abondée (complétée gratuitement) par l’entreprise ce qui augmente le gain. La somme est bloquée pendant 5 ans, mais le déblocage anticipé est permis en cas de mariage, naissance ou achat immobilier. Le dispositif est donc très souple.

Nous allons garder une épargne de précaution sur un livret A ou autre, qui peut se débloquer en cas d’urgence. Au-delà de cette précaution, celui qui dispose de 1000 € d’économies et qui est capable d’économiser 1000€ par an ou 100€ par mois, peut contacter une société de gestion indépendante ou un conseil en gestion de patrimoine (CGP). Mieux vaut se faire aider par des professionnels car c’est un métier compliqué de sélectionner les bonnes entreprises ! Choisissons un intermédiaire qui fait faire à ses clients ce qu’il fait pour lui-même ! Pour le choisir, prenons conseil par le bouche à oreille et jugeons l’arbre à ses fruits sur une période de 5 ou 10 ans. Préférons ces acteurs indépendants aux banques ou assurances qui vont nous proposer des placements grand public en fonction de leur politique commerciale du moment, et non pas d’une connaissance personnalisée de notre situation.

Se méfier des rêves et rester dans le réel

Restons concrets, dans l’économie réelle, et méfions-nous des promesses trop brillantes telles que :

¨ Des rendements garantis ou des taux de gain trop élevés : ces sont les signes de « produits structurés », spéculatifs, souvent avec des frais cachés.

¨ Des gains fiscaux (spécialement sur l’immobilier) : ils couvrent souvent des mauvais produits, difficiles à revendre ou à louer, dans des quartiers peu favorables.

¨ Des SCPI -société civile de placement immobilier. Les parts de SCPI sont trop liées aux fluctuations de l’immobilier et des taux d’intérêts. Le placement n’est pas liquide donc difficile à ajuster au besoin, et les frais sont souvent élevés.             A l’opposé, les actions qui sont hébergées dans un compte PEA -plan d’épargne en actions- peuvent être échangées pour s’adapter aux évolutions des cours.

¨ Des placements à l’étranger

L’investissement en immobilier locatif est à réserver à des biens proches de la résidence principale, et à ceux qui ont épuisé les autres priorités. Il est souvent source d’ennuis : temps pour gérer et entretenir, risque sur les locataires, taxes très élevées sur les revenus et les successions.

Soyons volontaires mais raisonnables !

Le caractère raisonnable des placements, comme des emprunts, dépend de leur nature, de leur objectif mais aussi de notre psychologie. Restons dans des limites qui nous conviennent pour ne pas devenir désagréables en ménage ou avec nos amis, ne plus penser qu’à l’argent et au succès, ou devenir inquiet. Une fois la décision prise, apprenons à nous détacher des évolutions instantanées et à accepter un certain risque. Sachons aussi consommer nos économies lorsqu’un achat immobilier ou une bonne cause le demande, quitte à revenir épargner plus tard.

La sagesse consiste à se rappeler en permanence les principes de St Ignace dans ses Exercices Spirituels : l’homme doit en faire usage (des choses de la terre), autant qu’elles le conduisent vers sa fin (l’Amour de Dieu, et le Ciel), et il doit s’en dégager autant qu’elles l’en détournent.

Notre but doit être de favoriser le Bien Commun de la famille en améliorant sa sécurité, qui facilite la paix de l’esprit, et en préparant son avenir de notre mieux  – Aide toi, le Ciel t’aidera -, dans la confiance en la Providence de Dieu.

Hervé Lepère